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{abandonné} Le Miroir de la Prophétie

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Mentis Irae
Messages : 13
Date d'inscription : 25/08/2014
Mentis Irae
MessageSujet: {abandonné} Le Miroir de la Prophétie {abandonné} Le Miroir de la Prophétie EmptyLun 25 Aoû - 13:15
HRP:




Il y avait toujours deux faces à toute chose et les mythes et prophéties n'échappaient pas à la règle. Ainsi donc, celle dont il était le réceptacle depuis des siècles se précisait cette fois-ci. Après plusieurs tentatives avortées, elle avait cette fois réussi à se frayer un chemin à travers les histoires, l'Histoire des Hommes et des Immortels et franchissait une à une les étapes annoncées. Jamais elle n'avait été aussi loin dans la vérification des prédictions. Parce que chaque fois, il y avait eu des êtres comme lui pour faire échouer la volonté d'un créateur fou d'annihiler son oeuvre... Des êtres épris de ces créatures fragiles qu'étaient les hommes et de ces magnifiques prédateurs qu'étaient les Vampires. Il les aimait d'un amour égal et partagé... Il les aimait surtout lorsqu'ils arrivaient à vivre ensemble dans l'écrin que son père avait bâti. Il les avait toujours regardés grandir, de loin, caché, comme un autre père regarderait en cachette ses enfants qui lui ont été arrachés. Comme un père qui aurait renoncé à son essence pour sauver sa progéniture, aurait accepté le plus grand des sacrifices pour sauver un souffle d'espoir fragile.

Il avait dû consentir à nombre de souffrances, à l'exil et au bannissement, au renoncement de ce qui faisait son essence: la beauté, la perfection, l'immortalité, l'amour... Il avait connu le néant, l'informel, la laideur, les blessures, la haine, l'oubli et l'abandon. Mais il n'avait d'autre choix. L'alternative de vouer les hommes et les Immortels, ses frères et enfants à la folie destructrice de celui qui les avait engendrés tous n'était pas envisageable. Le combat serait long, se déroulerait dans l'ombre, caché des simples humains et des plus novices parmi les vampires. L'affrontement final serait terrifiant, apocalyptique, reléguant les Guerres entre les Immortels et les Hommes au rang de simple échauffement, mais ce jour viendrait où les créatures devraient s'unir contre leur créateur et ce jour-là, il serait là pour protéger les enfants de leur Père: un fou grisé par son pouvoir absolu, qui avait joué avec un secret interdit et avait donné vie à l'inanimé afin de l'asservir et de le modeler, de dresser les uns contre les autres pour se distraire. Puis il s'était lassé de ces créatures imparfaites et médiocres comparées à sa magnificence et il l'avait crée lui: un fils à son image, du moins le pensait-il. Il s'était trompé. Son erreur fut de présenter à son fils ses autres créatures. Et le fils vit ses frères, ses malheureux frères, et en voyant comment leur père les traitait, une sensation étrange naquit en lui. La compassion. Elle grandit au fil du temps qu'il passait parmi ses pauvres frères mortels et se transforma lentement en Amour. Pas cet amour qui animait prétendument leur Père à tous, cet amour qui opprimait, qui emprisonnait dans la dépendance. Non, le Fils, lui, voua un Amour aspirant à faire grandir et à libérer ses frères. Il leur fit don de cet Amour en leur offrant l'Immortalité mais, mal préparés, ils ne le comprirent pas et en usèrent de manière inconsidérée. Et le Fils fut puni pour avoir voulu ses frères égaux à leurs Pères. Il fut déchu et fut effacé de la mémoire des Hommes comme de la plupart des Immortels. Lui se souvenait de tout en revanche et se souvenir participait à son Enfer qui débuta le jour où il les vit sombrer dans le chaos et la haine, mus par la volonté de se distraire d'un Père cruel et sans compassion. Le Créateur de tout lui asséna la peine ultime en lui promettant qu'il assisterait à la fin de l'Humanité et des êtres auxquels il avait donné vie en accordant l'Immortalité aux hommes: les Vampires.

Depuis lors, son temps avait été voué à contrer les funestes projets de son Père et à retarder l'inéluctable accomplissement de cette Prophétie. Le retour en force de ses Infants depuis l'an 2000 n'avait rien changé à l'Annonce messianique dont il devait se faire l'écho. Il espérait simplement que les Vampires seraient plus réceptifs que les Hommes ne l'avaient étés lorsqu'ils étaient maîtres de la Terre. Tant de fois, la vie était passée près de l'annihilation totale. Les hommes, tels des marionnettes obéissantes s'étaient dressés les uns contre les autres, avaient testé l'arme ultime à Hiroshima, organisé méthodiquement, puis mis en oeuvre un concept qu'ils connaissaient déjà depuis longtemps sans l'avoir jamais appliqué à grande échelle: l'extermination massive d'un peuple ou d'une ethnie. Cette fois- là, il s'en était fallu vraiment de très peu. Tout avait parfaitement fonctionné et aurait atteint le but fixé par le Créateur, si une fois de plus, une poignée de visionnaires courageux au sein des deux factions n'avait secoué la conscience endormie des Hommes comme des Vampires et ne les avait fait réagir à temps face à ces abominations. Ces hommes et ces Immortels qui s'étaient toujours relayés à travers les siècles pour protéger la Vie de la destruction ultime avaient une nouvelle fois laissé de côté leur appartenance, leurs convictions personnelles pour s'unir dans un même combat contre l'innommable.

A travers les époques, le Père de toute chose avait fait des Immortels tantôt des Maîtres redoutés, tantôt des bêtes traquées et persécutées comme des monstres. Il avait soufflé le chaud et le froid attisant la haine entre ses créatures et celles de son Fils banni. Aujourd'hui, le Fils savait que son Père avait pris la décision finale, celle qui mènerait à la destruction totale. Le Père était lassé de jouer avec ses créatures et s'offrirait un dernier spectacle : celui de leur disparition. Il ferait table rase avant d'en créer d'autres. Et il imposerait à son Fils d'assister à ce spectacle, pour se délecter de sa souffrance et de sa culpabilité en lui ressassant "Cela ne serait jamais arrivé si tu ne m'avais pas trahi... Regarde ce que tu as fait de tant de beauté et de l'Immortalité que je t'avais offerts ! "
Il allait semer la discorde entre les Vampires et pousser les Hommes à profiter du chaos pour se révolter. La fin attendue et évidente était bien sûr une vague de représailles qui pouvait être fatale, si totale. Tous les vampires n'avaient pas conscience de leur dépendance par rapport aux Hommes et il fallait changer cela. Mieux, il fallait qu'ils prennent conscience les uns comme les autres qu'ils étaient frères et non ennemis. Autant faire s'embrasser le Cobra et la Mangouste... Il devait réussir... Il n'avait pas droit à l'erreur...



✥✥✥✥✥✥✥
Il s'éveilla en sursaut et en sueur et se dressa sur son séant. Encore ce rêve et cette voix dans la tête, ces images si bouleversantes, le sang, le sang coulant à flot et partout! Il tourna son regard vers la fenêtre. Dehors la nuit s'attardait encore. Il s'assit sur le bord du lit et se frotta les yeux en bâillant, rejeta ses cheveux en arrière et passa rapidement une chemise qui traînait sur une chaise avant de s'asseoir à son bureau pour consigner son rêve dans le cahier noir. Il se massa les tempes et posa son stylo plume de marque. Il avait tout juste eu le temps de finir. Il regarda ce qu'il avait écrit et ne reconnut pas son écriture, ni sa signature. Qui était cette entité qui prenait possession de lui et le faisait signer  toutes ces pages noircies "Mentis Irae" ? Elle arrivait... La saleté de migraine qui précédait ses possessions. Un flash et il le vit. Un homme ou plutôt un jeune homme, grand, très grand, il portait une sorte de jupe à carreaux avec une ceinture ornementée qui pendait entre ses jambes et des chaussettes étonnamment longues, mais son torse nu laissait entrevoir un tatouage. Une magnifique chevelure, battait ses épaules. Il remontait le Pont Mirabeau à pied en glissant le long de la rambarde, telle une ombre. Il chassait... C'était un Immortel ... Magnifique.

L'écrivain nocturne porta son regard sur la dernière ligne qu'il avait écrite avant de signer : L'instrument de la prophétie court au devant de son Destin et va bientôt croiser son reflet...
Puis, il s'habilla rapidement et dévala le grand escalier, franchit le vestibule et sortit par la porte de service après avoir traversé la cuisine. Il n'avait croisé aucun serviteur. Il rabattit sa capuche et sortit dans la rue par la porte du jardin. Accélérant le pas, il fut bientôt invisible au commun des mortel et à la plupart des Vampires. En quelques minutes, il avait élevé son esprit dans le ciel de Paris et repérait le chasseur à la tresse. Celui-ci avait remonté le long du quai et Mentis percevait son aura dans une rue adjacente. Son sujet en jupe n'était pas seul. Un autre Immortel le précédait, inconscient d'être suivi. L'ombre de la capuche n'était plus qu'une onde noire glissant le long des rues et se coulant de toit en toit. Puis elle se matérialisa juste derrière l'homme au kilt penché derrière le vampire qu'il avait pris en filature. Alors que l'homme de la vision commençait à parler d'une voix étonnamment douce et berçante, fixant la malheureuse proie qui s'était enfin retournée, Mentis s'était accroupi et sa main gantée s'abattit et se referma sur le poignet pour bloquer une main ressortant d'une chaussette, armée d'une fort belle dague en...argent.

- Je vous le déconseille fortement ... Par les temps qui courent...

Toujours accroupi et le nez presque dans les plis de la jupe, il avait bien envie de vérifier une légende grivoise vieille de plusieurs siècles, mais il avait une prophétie sur le feu...

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Keith Lindsay
MessageSujet: Re: {abandonné} Le Miroir de la Prophétie {abandonné} Le Miroir de la Prophétie EmptySam 6 Sep - 18:02

Chasser. Oh, chasser.

Cela avait toujours eu une saveur particulière pour Keith. Lors de son humanité, tout comme de son immortalité, il avait chassé pour manger, pour survivre.
D'abord, il y avait le choix. Long, patient, méticuleux. Il n'était pas question de débarquer bruyamment et d'abattre tout ce qui passait à portée d'arme, non, bien au contraire. Il fallait étudier chaque piste, soigneusement, déterminer à qui elle appartenait, pour trouver la proie idéale. Ce n'était pas la partie que Keith préférait, car trop souvent on revenait bredouille ; elle était toutefois nécessaire pour se mettre dans l'état d'esprit nécessaire à la traque. Lorsqu'il cherchait, l'appréhension, l'espoir et la déception tour à tour aiguisaient les sens de Keith, le rendaient nerveux, mais aussi bien plus attentif et scrupuleux. Une fois la proie trouvée, tous ces sentiments étaient démultipliés, et l'excitation s'invitait parmi eux. A chaque instant où Keith se rapprochait de sa proie, cette dernière devenait plus intense, plus puissante ; elle s'insinuait dans les veines de Keith et les brûlait, suintait par chaque pore de sa peau, le faisait presque trembler d'anticipation.

Toutefois, quand Keith touchait au but, elle disparaissait entièrement. Il redevenait alors un tueur précis, méthodique et froid, tout son être prêt à accomplir la tâche qu'il s'était donnée. Alors, il fascinait sa victime, la tuait sans un état d'âme, se nourrissait, repartait. Finalement, il perdait sa carapace dure et s'apaisait. Si sa faim était calmée, il pouvait rester ainsi pendant des semaines ; autrement, il lui fallait repartir chasser rapidement, ou se résoudre à exécuter un humain pour l'assouvissement de sa soif.

Ce rituel était plus qu'une habitude chez lui : il faisait partie de son être, de sa nature. Le voir chasser permettait de mieux le comprendre que l'écouter livrer ses pensées les plus intimes pendant une année. Il était sa chasse, il la vivait avec plus d'intensité que n'importe qu'elle autre chose, car il n'y avait que dans ces moments-là qu'il avait l'impression de faire la bonne chose. Qu'il avait l'impression d'être encore un peu humain, d'être encore un peu en vie. Qu'il avait l'impression d'être lui.


Cette chasse-là en suivait des milliers d'autres, et serait sans doute suivie de milliers d'autres encore, s'il y survivait. Elle avait toutefois un sens tout particulier pour Keith.
Ce soir, pour la première fois, il chassait dans Paris.

Il adorait cette ville, et l'aimait d'autant plus qu'il la haïssait également. Elle possédait tant de facettes, tant de saveurs, que nul ne pouvait y être indifférent. Tout en elle charmait Keith, et c'est pour cela qu'une part de son âme s'y dérobait avec force. S'il devait mourir ailleurs que dans son Écosse natale, ce serait ici et nulle part ailleurs. Paris était un mélange doux-amer de tellement d'émotions contradictoires, de cris de naissance et de cris de mort, que c'était le lieu parfait pour le vampire pour terminer son existence désastreuse.

D'ailleurs, il se rendait compte que cette ville était également idéale pour mettre fin à l'existence de quelqu'un d'autre. Il lui semblait qu'il rendait un immense honneur à ses proies, en les tuant ici, dans cette ville de lumières et d'ombres. Et celle-ci serait la première à en profiter.

Puisqu'il ne connaissait pas encore bien les rues tortueuses de la cité, Keith avait choisi un vampire jeune et plus faible mentalement, afin d'être sûr de ne pas avoir à le poursuivre s'il se rebellait, et restait attentif à toute intrusion d'un autre être. La proie immortelle était nerveuse, sentant malgré son jeune âge qu'elle était suivie. Précipitant un peu les choses, l’Écossais sortit des ombres juste derrière lui et vit le vampire se figer. Aussitôt, il se mit à parler, de sa voix apaisante, calme, enivrante. Le corps de sa proie, devant lui, se redressa un peu, trahissant une surprise parfaitement compréhensible, et il se retourna. En à peine un dixième de seconde, il était sous le charme du regard pénétrant de l'Immortel, de son charisme éclatant et de sa voix suave et douce.

Sans perdre de temps, Keith se pencha et saisit le manche de sa lame d'argent. Et une main retint son poignet.


- Je vous le déconseille fortement ... Par les temps qui courent...

Faisant preuve d'une parfaite maîtrise de lui-même, Keith n'interrompit pas son flot de paroles, ne sursauta pas, ne détourna pas le regard vers l'impromptu. Non, il laissa la lame glisser dans sou fourreau et se redressa, déclarant finalement à l'Immortel qui n'avait pu voir la lame et ne savait donc pas à quel sort il avait échappé :

- Toujours est-il que ce fut un honneur insigne de vous rencontrer ce soir, et que je suis sincèrement désolée de vous avoir importuné. Votre physionomie était tellement proche de celle de l'une des mes connaissances que j'étais persuadé qu'il s'agissait de vous. Passez donc une bonne soirée, messire, et j'espère d'avoir à nouveau le plaisir de converser avec vous.

Il accentua cette dernière phrase d'un penchement de tête, rompant le contact visuel. Lorsqu'il reposa les yeux sur sa proie, celle-ci semblait déboussolée, et il lui adressa un imperceptible plissement des lèvres qui pouvait passer pour un sourire.
Puis il reporta toute son attention sur celui qu'il l'avait interrompu, et que malgré l'éveil de ses sens il n'avait pas senti venir.
Dans le mauvais éclairage de la ruelle, il ne vit qu'une silhouette plus petite que lui, dont le visage était couvert d'une capuche. Ils étaient tellement proches l'un de l'autre que Keith avait l'impression qu'en soufflant il ferait retomber celle-ci et dévoilerait donc à qui il avait affaire. Un sombre instinct lui dicta de ne rien en faire, et il exprima alors, d'une voix bien plus rocailleuse, dont toute l'aristocratie et l'impeccable accent français avait disparu pour laisser place au rauque accent de l'Est de l'Ecosse :


- Cette ruelle accueille plus de surprises indésirables que je ne le croyais.

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Mentis Irae
Messages : 13
Date d'inscription : 25/08/2014
Mentis Irae
MessageSujet: Re: {abandonné} Le Miroir de la Prophétie {abandonné} Le Miroir de la Prophétie EmptySam 6 Sep - 21:29





Ni le changement de ton, ni le sarcasme n'échappèrent à l'être qui se dissimulait sous la capuche et son essence première reconnut immédiatement celle d'un prédateur majestueux mais sans compassion aucune. Qui avait fait cette créature ? Même s'il ne voulait nier sa part originelle de responsabilité, il ne pouvait s'empêcher de trouver criminel de lâcher une telle force dévastatrice dans la nature sans lui avoir inculqué une forme de conscience. Bien au contraire, il semblait ici que toute commisération soit absente, comme si en retirant à cet à cet homme sa mortalité on ne lui avait laissé que sa splendeur extérieure et avait détruit son initiale beauté intérieure. S'agissait-il d'un échappé des Chasses, banni par son Seigneur, comme cela arrivait rarement, celui-ci réglant souvent le problème par une exécution qui avait valeur d'exemple? Ou bien encore, d'un déserteur ? Quoiqu'il en soit, l'instinct millénaire de Mentis Irae, sa nature première, tout en lui, hurlait au danger et à la souffrance. Ils étaient tellement siens depuis des siècles et des siècles qu'il savait en reconnaître les effluves sitôt qu'il en croisait la manifestation. Il redressa la tête juste assez pour que le chasseur perçoive l'éclat de ses prunelles lorsqu'elle devinrent incandescentes de la force qui l'habitait alors. Deux fanaux qui luisaient dans l'ombre de la capuche ample, laquelle laissait à peine entrevoir un profil dans lequel se dessinait un nez droit et un menton volontaire marqué d'une légère fossette.

- Le Monde est plein de surprises indésirables qui vous feront apprécier notre rencontre, Sir.

Il avança à peine encore une once de plus en direction de l'homme dont il pouvait sentir le souffle contrarié et le silence intérieur. Il ne décela aucun battement de coeur, aucune respiration marquant l'excitation de la traque palpitant dans ce torse nu, mais un tumulte d'émotions dans l'esprit affûté qui venait de laisser filer sa proie à cause d'un autre prédateur, du moins le pensait-il. Il avait perçu la voix envoûtante, en avait ressenti l'alanguissement que procure le venin paralysant de l'arachnide dont la proie sait qu'elle va être dévorée vivante mais ne peut rien faire pour s'y soustraire. Il voyait à présent le charme du regard sondant l'ombre du vêtement qui le dissimulait pour tenter peut-être de jeter ses filets sur son esprit. Un petit hochement de tête négatif, presque imperceptible, signifia au chasseur qu'il pouvait cesser d'espérer qu'on tombât dans ses rets.

Mentis Irae n'avait aucune crainte sur ce que les Créatures pouvaient lui faire mais beaucoup sur ce qu'elles pouvaient s'infliger entre elles et il redoutait ce que celle-ci pouvait faire à ses semblables. Etait-ce bien lui ? Cette ombre qui rôdait dans Paris et frappait sans crier gare au détour d'une rue ou sous les portes cochères, dans les usines désaffectées, exterminant riches comme pauvres, mortels comme vampires. Il approcha encore et de sorte à ce que le promeneur nocturne n'ait d'autre choix que d'accepter son contact, de reculer ou de le repousser. S'il reculait, il reconnaissait sa vulnérabilité et évitait une désagréable démonstration, s'il acceptait le contact ou le repoussait, alors il comprendrait qu'il est dangereux de défier son Père surtout lorsqu'il veut empêcher ses enfants de s'entre tuer. Le chasseur débusqué était sur la défensive et essayait probablement d'évaluer s'il avait sous la main une nouvelle victime potentielle. Il céda à l'envie de poser la question dont il aurait de toute façon la réponse, mais pour le plaisir de l'entendre consentie par le sujet lui-même.


- Etes-vous à Paris depuis longtemps ? Sans doute non. Sans quoi vous sauriez qu'il est dangereux de contrevenir à deux règles majeures instaurées par le Cercle. Porter de l'argent sur soi, une lame qui plus est, et assassiner un Immortel... Avez-vous envie de mourir une seconde fois ?

La lune s'accorda à cet instant un levé de rideau et vint promener ses doigts laiteux sur la veste à capuche et éclairant ainsi sous un angle nouveau la commissure de lèvres sur lesquelles se dessinait un demi sourire.

- Vous savez, la mort, c'est très surfait ... Mais je ne vous apprends rien, n'est-ce pas ? Sachez simplement que je ne vous laisserai pas tuer vos semblables et que si vous aviez idée de recommencer, vous vous exposez à un empoisonnement du sang...

Un dernier pas, le poignet tendu sous les lèvres du chasseur, il murmura d'une voix grave

- Vous avez soif ? Alors il serait plus prudent de boire à la source ...
****************


L'émotion du moment était si forte qu'il pouvait ressentir le tumulte des plaisirs de chasse, l'odeur des batailles sur les atours de cet homme et enfin l'appel du sang et la beauté de la parade de mise à mort. Tant de choses qui le touchaient au coeur de l'âme, bien que certains mortels affirmaient que les Vampires n'en avaient pas. L'élégance du verbe et de la gestuelle, presque rituelle, tout lui rappela le plaisir d'appartenir à une caste dominante et d'embrasser l'Immortalité. Cet homme aurait dû être heureux et fier de sa nature, mais sa magnificence était entachée d'une ombre sournoise qu'il ne connaissait que trop mais repoussait sans cesse: la culpabilité. Il fallait du temps et peut-être un regard d'esthète tel que le sien pour accepter de donner la mort contre la vie, chaque nuit de son éternité. Et cet homme en jupe ne devait pas encore être éveillé à la beauté de la mise à mort, ni à l'offrande que cela pouvait être lorsqu'on menait une vie si misérable et ennuyeuse. Sans doute était-ce pour cela qu'il s'apprêtait naguère à tuer sans joie visible mais avec une figure d'ensorceleur. Pourtant ne devait-on pas à son gibier de célébrer la vie qu'elle nous offrait avec jouissance et bonheur ? Quelles sombres pensées rendaient ce chasseur si ombrageux ? Que l'étranger, sans doute un natif des Hautes Terres s'il en croyait son accent, tuât un des siens ne le choquait pas outre mesure. Certains humains avaient mille fois plus de valeur que certains vampires mais cela demeurait politiquement inacceptable, bien entendu ... Lui ? Il s'en foutait de la politique. Il n'avait aucune sympathie ou antipathie pour le Cercle. Les Chasses l'attiraient mais il avait du mal à concevoir les obligations qui les régissaient et surtout, il ... ne pouvait que convoiter le plus haut statut qu'elles offraient ... Un jour peut-être...

Pour l'heure, il continuait à vivre sa seconde vie, avec un colocataire plutôt envahissant qui l'obligeait à sortir déguisé pour ne pas se trahir. Oui, tout cela, il ne le percevait qu'à travers les yeux de Mentis Irae et sans doute, ses perceptions, ses souvenirs, ses sentiments se mêlaient à ceux de cette entité qui le possédait et lui ôtait tout libre arbitre. Cette attaque était plus forte que les précédentes et lui avait fait vivre des expériences nouvelles, un déplacement d'une prodigieuse rapidité, une perception infiniment supérieure à celle qui le servait habituellement. Il restait lui, avec ses souvenirs, ses sensations, lointaines ou récentes, musiques, images, plaisirs, mais il ne maîtrisait plus son corps. C'était l'Autre qui avait le contrôle et parlait à présent avec cet homme en kilt dont son instinct lui disait de se méfier prodigieusement, qu'il aurait sans doute, s'il avait le libre arbitre, immédiatement tenu à distance ou provoqué dans un combat à mort mais avec lequel il se serait bien gardé de pactiser. Bien que l'aura de cet individu rendit l'option très séduisante. Un compagnon de chasse, avec qui partager son amour de la beauté, un homme, sans doute moins frivole que toutes ces maîtresses, un ami peut-être... Non, non ... Les amis ne sont que des ennemis plus redoutables car déguisés et c'est toujours d'amis que vient la trahison. Il fût horrifié de se voir offrir son poignet à cet homme mais, comme chaque fois, la volonté de l'Autre était plus forte, plus impérieuse... Pourtant il savait que si l'homme au torse nu devait connaître ses souvenirs, il connaitrait aussi les siens...C'était d'ailleurs peut-être ce que voulait l'Autre... Comment savoir jusqu'à quel point l'un était l'Autre dans ces moments là ?



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Keith Lindsay
MessageSujet: Re: {abandonné} Le Miroir de la Prophétie {abandonné} Le Miroir de la Prophétie EmptyLun 8 Sep - 22:50



Lors de ses chasses humaines ou vampiriques, il était parfois arrivé que Keith doive abandonner ses proies, car un autre prédateur, plus dangereux que lui ou compromettant, avait fait son apparition.
Mais jamais, jamais il ne s'était retrouvé dans le cas présent. D'ordinaire il n'avait qu'à disparaître discrètement. Cette fois, par contre, le prédateur s'intéressait à lui, et uniquement à lui.

Et Keith n'aimait pas cela.
Pire encore : il ne parvenait pas à déterminer la nature du prédateur.

Il avait tout d'abord perçu un autre vampire, aussi âgé que lui. La première réaction de l’Écossais avait donc été de tenter de l'envoûter, ou au moins de le perturber. Même si l'autre l'avait préalablement vu tenir sous son emprise un autre Immortel, Keith espérait le désorienter assez pour reprendre le dessus. Alors qu'il apaisait ses traits, redessinait son aura, affirmait sa présence et cherchait le regard de l'impromptu pour le capturer, une chose s'était produite.
Incompréhensible, inconnue. Rare.

Keith avait eu peur.

L'inconnu, qu'il n'avait d'abord perçu que comme un vampire de son âge, avait... changé. Ses yeux, que Keith cherchait dans l'ombre de son capuchon, s'étaient mis à briller d'un éclat étrange. Deux faisceaux incandescents, fixes, qui le regardaient droit dans les yeux.
A ce moment, Keith avait senti que ce n'était pas qu'à un vampire de son âge qu'il s'adressait. Non, c'était aussi à quelqu'un... quelque chose... de bien plus vieux. D'immensément, de terriblement, vieux.

***
Stonehenge. Alors qu'il n'était qu'un vampire fraîchement créé, Keith s'y était rendu, comme s'y rendent des milliers de touristes. Il avait attendu que la nuit chasse les visiteurs, puis s'était aventuré à l'intérieur du fameux cercle de pierre. Très vite, il avait été déçu. Il s'attendait à ressentir les relents de puissance qu'un tel lieu devait posséder, une impression de pouvoir... mais rien. Perplexe, désappointé, il avait commencé à tourner à l'intérieur du cercle, de l'Est vers le Nord, suivant la direction de la courbe que le Soleil parcourt dans l'hémisphère Nord. Il avait la main posée sur les pierres, qu'il effleurait des doigts en ruminant se déception. Puis la Lune était sortie des nuages et avait apposé son sceau sur les lieux. Et une écrasante majesté avait enseveli Keith. Le temps n'était plus, l'espace s'était réduit autour de lui. Le jeune Immortel avait ressenti au plus profond de lui l'inutilité de sa condition, son insignifiance à côté d'une telle construction, qui s'était chargée d'émotions et de signification au fil des millénaires.
Humilié, l'arrogant et jeune vampire avait fui. Mais il n'avait pu se voiler les yeux sur la peur qu'il avait ressentie.
***

Une partie de l'homme qu'il avait face à lui était au-delà de l'âge, davantage que Stonehenge ne l'était. Si Keith avait encore été jeune, s'il n'avait pas appris et terriblement perdu de son être lors des années, la terreur l'aurait étouffée. Aujourd'hui, elle se contenta de passer, d'étreindre son cœur discrètement et de s'enfuir, allumant derrière elle de nombreux signaux d'alarmes.

Impassible, Keith les écoutait tous. Mais il ne bougeait pas d'un cil, ne s'enfuyait pas. Il fit de sa fierté un bloc de granit, de son honneur un piédestal de titane, et se hissa dessus par la force de sa volonté.

Quand l'autre Immortel s'approcha encore, Keith resta immobile. Ancré sur le trône qu'il s'était mentalement créé, il contemplait ce redoutable inconnu. Et était prêt à continuer pendant des siècles.


- Je ne prétendrai pas pouvoir assurer que j'ai apprécié une rencontre tant que celle-ci ne sera pas finie. Et pour répondre à votre première question, je ne suis que depuis très peu dans cette cité. Si notre entrevue se finit rapidement et sans altercation, je pourrai donc affirmer que j'ai apprécié chacune de mes rencontres ici.

*Puisqu'il n'y en a eu qu'une seule d'importante*, compléta Keith en lui-même. Repensant à sa proie, il réalisa qu'elle avait pris la fuite. Seule réaction intelligente, assurément.
Il ignora totalement les remarques faites au sujet de l'argent et de la mise à mort d'autres vampires. Si son interlocuteur ne posait pas de questions directes, il était hors de question qu'il se compromette lui-même.


- Avez-vous envie de mourir une seconde fois ?

Keith n'entendit pas ce que dit ensuite l'Immortel. Il cherchait comment formuler sa réponse, qu'il connaissait pourtant depuis l'instant même de sa transformation.

- La mort arrivera. Si cela arrive plus tôt que je ne l'avais prévu... eh bien, je n'y accorderai plus vraiment d'importance à ce moment-là.

Puis son interlocuteur se rapprocha encore davantage, et son poignet fusa sous les lèvres de l’Écossais. Immédiatement, celui-ci se promit qu'il ne boirait pas. Peu importe à quel prix il payerait son refus.

Toutefois, il ne s'écarta pas. Il pencha même un peu la tête, ferma ses yeux, et huma le poignet. Sous la peau fine, le sang stagnait, la pompe interminable du cœur s'étant tue il y a bien des années. Comme un œnologue appréciant le bouquet d'un vin, Keith respira profondément, un léger sourire sur les lèvres. Il ouvrit même la bouche, laissant entrapercevoir ses crocs, et se rapprocha encore un peu de la peau tendre. Puis d'un seul geste, il se redressa, rouvrant les yeux, et déclarant d'une voix terne qui contredisait son radieux sourire :


- Merci bien de votre proposition. Mais je n'ai pas pour habitude d'accepter de telles offres.

Une souris. C'est tout ce qu'il avait l'impression d'être, une souris perdue sous la patte d'un gros matou. Mais la souris était plus résistante qu'il n'y paraissait...

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Mentis Irae
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Mentis Irae
MessageSujet: Re: {abandonné} Le Miroir de la Prophétie {abandonné} Le Miroir de la Prophétie EmptyMar 9 Sep - 22:54

Chasseur qui aimait le jeu, l'homme devait être magnifique dans la forêt lorsqu'il traquait sa proie entre les troncs, arpentait le labyrinthe de verdure. Il usait des mots comme d'une arme aiguisée mais comme toute lame, les mots pouvaient révéler un double tranchant et Mentis jouait de l'un comme de l'autre à merveille. Il savait toutefois que cet homme en jupe au verbe acéré était lui-même une arme créée à dessein pour trancher le fil d'un équilibre, modelé, manipulé pour être l'instrument d'un jeu malsain aux relents totalitaires du nihilisme. Le savant fou de l'univers avait fini d'observer la fourmilière. Il aurait pu la détruire d'une pichenette mais il préférait programmer l'autodestruction lente et tragique qui le distrairait de son ennui un peu plus longtemps. Si seulement le Père pouvait tuer cet ennui et ce désoeuvrement malsains en aimant simplement ses créatures, mais comme certains hommes qu'il avait faits à son image, l'amour l'ennuyait plus encore que l'Eternité qui déroulait son inexorable infini devant lui. Mentis l'avait payé au prix fort, ce désaveu d'amour paternel. Si au moins il pouvait faire disparaître le Créateur sans effacer les créatures, il se serait damné encore davantage pour elles et aurait consenti à devenir parricide.

Mais on ne peut anéantir la voûte étoilée sans condamner les étoiles, on ne peut assécher les océans sans tuer les poissons, inonder le ciel sans abattre les oiseaux , brûler la Terre sans consumer les hommes et les animaux. Alors, il allait devoir inventer un jeu plus séduisant que "tuez-les tous!". Ce jeu se nommerait l'Union Sacrée et verrait l'émergence d'une contre puissance au Créateur. Il n'y aurait plus les créatures du Père  d'un côté et celle du Fils de l'autre mais une seule et même entité , un corps unique, un bras qui se lève , une lance qui s'élève, une pointe qui résiste. Chacun, homme ou vampire, constituerait cette lance, ce bras, ce corps. Une création unique qui se dresse contre son créateur parce qu'elle veut continuer d'exister, tout simplement la Vie qui échappe au contrôle de celui qui l'a insufflée à quelques particules inertes pour jouer et a provoqué une réaction en chaîne amusante. La Vie allait triompher mais seulement si elle se battait dans l'union pour prouver son émancipation. La Vie devait séduire à nouveau son Créateur en lui prouvant qu'elle pouvait être une fascinante création. Bien sûr à l'issue de ce combat, hommes et Immortels pourraient vivre dans l'harmonie et en créatures libres, debout devant leur créateur, et bien sûr, il faudrait sans doute consentir à un sacrifice car toute libération est aussi un renoncement.

Il souriait dans l'ombre de sa capuche et la lueur du regard se fit plus douce, presque bienveillante.

- Chacun voit ce qu'il veut voir dans une rencontre. Hasard ou jeu du destin, quelle importance. C'est ce qu'on fait de ce qui nous est offert qui compte. Le sang que vous venez de humer n'est pas le mien. C'est celui de mon hôte pour cette visite que je vous fais en ce XXI°siècle. Peu importe... Le mien coule déjà dans vos veines comme dans celles de tous vos frères.

Mentis tendit la main vers l'homme au kilt et celui qu'il possédait se prépara instinctivement au contact et à la parade. Une main posée sur l'épaule de l'autre qui savait endormir sa proie tel un cobra. L'hôte espérait qu'il n'aurait pas à se servir de sa force. Il n'avait pas envie de se battre contre ce magnifique chasseur ou alors amicalement. Mais il n'avait pas vraiment voix au chapitre, sa conscience vacillant comme une flamme dans la tempête tandis que l'Esprit occupait chaque parcelle de son acuité.

- Vous n'aimiez pas, humain, dans votre village, partager votre pain avec le voyageur ? Vous n'avez jamais donné un peu de votre force au travailleur harassé ? Vous refusiez de manger à la table de votre père et préfériez voler l'étale du marchand ?

L'homme était diablement grand et Mentis ne put s'empêcher de penser que son Père l'avait choisi et fait ainsi délibérément pour lui compliquer la tâche.

- Voulez-vous venir vous désaltérer avec moi d'une façon plus terre à terre. Je connais un pub irlandais qui vend de l'hydromel polonais, oui je sais cela ne s'invente pas. Toutes les fantaisies sont de ce monde et croyez-moi, je sais de quoi je parle depuis le temps. poursuivit-il en se mettant en route sans se retourner.

L'homme pouvait tenter de lui sauter sur le râble, ce qui serait purement idiot, le suivre ou bien encore reprendre son chemin et sa propre direction.

- Au fait, et évitez de le crier sur les toits, j'aime beaucoup votre jupe tribale ! Et je crois que mon hôte aimerait avoir la même. Et vous avez raison, l'important n'est pas l'heure à laquelle on meurt mais la saveur des heures qu'on a vécues jusqu'à la dernière.


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Keith Lindsay
MessageSujet: Re: {abandonné} Le Miroir de la Prophétie {abandonné} Le Miroir de la Prophétie EmptyMer 10 Sep - 8:59


Comment avait-il pu comparer cet être à Stonehenge ? Certes, on retrouvait dans ces deux entités la même prestance, la même grandeur, la même puissance. Sauf qu'à Stonehenge, cette puissance était latente, cachée, enfouie au tréfonds de la terre, fossilisée par les siècles. Et que cet... homme ? Immortel ? Cet être disposait lui aussi d'une puissance séculaire, mais pulsante toute autour de lui, bruyante quand on savait l'écouter, impérieuse et terrifiante.

Reconsidérant leur face à face, Keith aurait aimé le comparer à une force irrésistible s'appliquant à un objet inébranlable. Hélas, il sentait ses points d'attache faiblir et lâcher les uns après les autres une fois que l'aura de son interlocuteur se fut appliquée à le briser.

Le briser ? Non, peut-être n'était-ce pas ce que l'inconnu voulait réaliser. Toutefois, c'était ainsi que l’Écossais le ressentait. Une pression terrible sur lui, qui le poussait dans une direction choisie avec soin, sur une voie qu'il n'avait encore jamais arpentée, et qui le mettrait à genoux si jamais il tentait de s'y dérober.

*Je me disais vieux, mais je ne suis qu'un enfant à tes yeux. Qu'importent ma taille et ma force, ma voix et mes armes, si c'est contre toi que je me dresse ? Une statue de poussière que le temps a agglomérée ensemble, mais qui s'effondrerait si tu soufflais dessus... Un tas de cendres, résidu du brasier qui a marqué la fin de mon humanité... Aurais-je pu être comme toi ? Le serai-je ? Le voudrai-je ?*

Si l'inconnu avait frappé à ce moment-là, s'il avait énoncé un seul ordre, une seule demande, Keith se serait effondré à ses pieds et lui aurait juré allégeance.

Mais il ne le fit pas. Et Keith se servit de ses propres faiblesses pour se renforcer, utilisant ses doutes et les déformant pour les transformer en fiertés et s'en créer une armure impénétrable.

*Je n'ai pas choisi d'être ce en quoi j'ai été mué, mais j'ai décidé ce que j'allais devenir, et j'y suis parvenu. Je suis moi, moi et moi seul. Quoiqu'on m'offre, quoiqu'on me propose, je resterai tel quel, peu importe le prix que je devrai payer. Et ma vie n'a depuis longtemps plus aucune valeur, mon cher.*

Chaque parole que son interlocuteur prononça ensuite, Keith l'écouta avec le même soin qu'il mettait à énoncer les siennes. Chaque menace ou sous-entendu qu'il faisait, il l'ancrait dans sa mémoire pour ensuite pouvoir le retourner contre cet être millénaire.

*Que ton sang coule dans mes veines ? Je te ferai craindre ce que tu as créé, cher sire.*

Il ne vint même pas à l'esprit de Keith que cet Immortel put être celui qui lui avait insufflé sa seconde vie. Il comprenait d'instinct que son interlocuteur était plus vieux, bien plus vieux et bien trop noble pour cela.

- Voulez-vous venir vous désaltérer avec moi d'une façon plus terre à terre. Je connais un pub irlandais qui vend de l'hydromel polonais, oui je sais cela ne s'invente pas. Toutes les fantaisies sont de ce monde et croyez-moi, je sais de quoi je parle depuis le temps.

Un simple instant, un court instant, Keith pensa à tourner les talons et s'enfuir. Mais ses résolutions le poussèrent d'un bloc à suivre l'inconnu, et son bon sens ne pouvait qu'approuver cela : mieux valait savoir à qui il avait affaire et où il se rendait plutôt que le perdre de vue une seconde. Il le rattrapa de sa marche souple et féline, droit et fier dans sa tenue traditionnelle, parfaitement conscient de ce qu'il était.

- Au fait, et évitez de le crier sur les toits, j'aime beaucoup votre jupe tribale ! Et je crois que mon hôte aimerait avoir la même. Et vous avez raison, l'important n'est pas l'heure à laquelle on meurt mais la saveur des heures qu'on a vécues jusqu'à la dernière.

- Alors vous et votre hôte faites preuve d'un goût certain. L’Écossais remarqua avec un certain détachement que s'il tutoyait en esprit l'inconnu, il ne pouvait s'empêcher de revenir au vouvoiement dès qu'il s'adressait à lui. Je me ferai un plaisir de vous initier aux diverses coutumes des clans d’Écosse, si jamais nos chemins s'y croisent un jour. Et de tels kilts ne peuvent être correctement portés que si l'on appartient à l'un d'entre eux.

*Tu as parfaitement raison, tu sais... Mais j'ai arrêté de savourer mon existence quand celle-ci a cessé, il y a 400 ans...

Et j'aurais préféré mourir à cet instant, plutôt que subir une immortalité qui ne veut pas non plus de moi.*
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Mentis Irae
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Mentis Irae
MessageSujet: Re: {abandonné} Le Miroir de la Prophétie {abandonné} Le Miroir de la Prophétie EmptyMer 10 Sep - 20:11






Il souriait dans l'ombre. Il souriait de voir de voir aussi distinctement que l'étole constellée tendue au dessus de leur tête, le cheminement intérieur de Keith. Tout se dessinait selon ce qui était écrit par lui et contre ce qui ne devait pas être. Il comprenait la vision de l’Écossais parce qu'il la partageait, à son niveau. Lui aussi avait été le jouet, la créature divertissante, façonnée puis laissée à elle-même, oubliée de son créateur, pire, reniée et déchue. Lui aussi avait décidé de ne pas accepter de n'être qu'un jouet et de se dresser pour affirmer ce qu'il était vraiment. Une alternative possible à ce Père monstrueux. Il avait envie de dire " Je vous comprends, Keith. " comme pour affirmer ce lien qui se tissait entre lui et son enfant égaré, mais il ne voulait pas l'humilier en lui révélant qu'aucune de ses pensées n'était demeurée secrète pour lui. Même si l'Infant le défiait ainsi inconsciemment en lui parlant par la pensée, ayant vaguement conscience toutefois, peut-être, que quelque chose de sa révolte et de son indiscipline filtrait de ces propos qu'il ne prononçait pas. Et même si lui, qui avait fait le premier d'entre eux, n'avait lu dans les pensées de toutes ses créatures, la noblesse et la fierté de Keith transparaissaient dans chacun de ses gestes, chacune de ses postures, de ses mots. Nul humain ou vampire ne pouvaient les ignorer. Encore moins celui qui avait fait que le premier devienne le second.


- Mon hôte fait partie d'un clan qui a ses propres lois et valeurs. Je crois qu'il en partage certaines avec le vôtre. Mais il est vrai que l'habit n'est jamais aussi bien porté que lorsqu'il s'ajuste à l'esprit autant qu'au corps.

Il se souvenait, en côtoyant Keith Lindsay, pourquoi il avait voulu les hommes immortels, pourquoi il avait voulu leur donner sa force et son invulnérabilité face au temps, pourquoi il avait trouvé bon de rendre éternelles la beauté et la bonté de certains. Il avait envie d'oublier que quelques uns en avaient été grisés et avaient ensuite transmis ce don sans discernement, le dévoyant ainsi. Mais il se refusait à être le bourreau de ses propres enfants et à adopter la même attitude que son propre père. Voilà pourquoi il ne venait pas pour punir mais pour guérir, voilà pourquoi sa colère était moins grande que son amour. Parce qu'il existait des êtres comme Keith Lindsay, qui vivaient leur état comme une malédiction mais restaient dignes dans l'aberration. Il ne voulait pas les condamner à disparaître, après les avoir créés, mais leur apprendre qu'il était possible d'être des prédateurs sans être des monstres. De devenir justes sans renoncer à leur nature, simplement en acceptant qu'ils étaient un maillon supérieur dans l'évolution de l'espèce humaine et que se nourrir de sang humain n'était pas plus honteux que de gober des œufs ne l'était pour un humain. Énoncé crument, cela pouvait sembler monstrueux, mais qu'avait fait l'homme durant la longue période où il avait été en haut de la chaîne de l'évolution  si ce n'est traquer les espèces moins évoluées pour s'en nourrir ? Les élever et les parquer dans des espaces réduits ? Les vampires devaient juste admettre qu'il ne fallait transmettre le Don qu'aux hommes dont le cœur était honnête et qui ne deviendraient pas des tueurs sanguinaires en le possédant. Ils devaient juste admettre que ceux d'entre eux qui tuaient pour le plaisir, et vidaient leurs victimes jusqu'à la dernière goutte, ceux-là devraient disparaître tôt ou tard, car point n'était besoin pour vivre de tuer. C'était là, la supériorité sublime du vampire sur l'humain qui ne pouvait que rarement se nourrir de sa proie sans la tuer, exception faite des vaches laitières. Il pouvait paraître absolument contre nature de  comparer les hommes à des vaches laitières. Mais contre la nature de quoi ? De la morale instaurée au nom du Père ? Le Fils n'en avait cure. Il trouvait bien plus moral de situer à leur juste place vampires et humains que de les faire disparaître tous au prétexte que leur symbiose était contre nature telle qu'elle s'exerçait actuellement. Tout cela, il allait devoir tenter de le faire comprendre à Lindsay, car il est toujours plus satisfaisant de constater qu'un enfant à compris la raison d'un changement de règle que de lui imposer par la force. Mais si l’Écossais ne voulait se rallier, alors il faudrait le neutraliser et il vivrait cela comme un déchirement. Celui d'un Père qui doit reprendre ce qu'il a donné à son préféré.


- Nous nous rendrons peut-être bien chez vous juste après nous être humecté le gosier d'un bon nectar. Dairsie n'est qu'à quelques secondes pour moi et pour vous qui êtes mon invité. Il vous incombera alors de me faire découvrir les spécialités locales.

En attendant de rallier le Fife, ils avaient rejoint le pub annoncé à une vitesse déjà prodigieuse. Plutôt chaleureux et bien entretenu, le lieu servait souvent de repaire à son hôte qui avait en commun avec Keith d'aimer les ambiances simples et authentiques mais aussi un esprit rebelle demandant une certaine patience dans la cohabitation. Mais l'Entité en avait vu d'autres. Il poussa la porte de l'établissement mais n'ôta pas sa capuche comme l'aurait sans doute espéré Keith.

- Sean, tu nous apportes deux Caffrey's Ale, s'il te plait. Lança-t-il en passant devant le patron qui astiquait des verres derrière son bar.

Il n'avait eu qu'à se concentrer légèrement pour neutraliser le questionnement légitime de toute une salle sur les raisons qui poussaient un type à ne pas montrer son visage et à garder sa capuche à l'intérieur d'un pub.

- Voyez-vous, j'avais songé à une cagoule mais vous savez comme moi qu'elle a des connotations terroristes ou criminelles, encore que ... Vous me paraissez vivre assez en retrait du monde actuel, est ce que je me trompe ? Je dois avouer que pour contraignante qu'elle soit, cette précaution m'évite d'avoir à changer d'hôte trop souvent et lui évite à lui, quelques désagréments.

Tandis que Sean, un barbu affable, leur apportait la commande, l'Entité poursuivit sur un ton moins léger.

- Je n'ai pas toute la nuit devant moi, à ce sujet... Non que votre compagnie me déplaise, mais je dois aussi laisser le corps qui m'héberge accomplir quelques obligations. L'inconvénient de devoir choisir des vampires anciens comme hôte, c'est qu'ils ont souvent accumulé les activités pour tromper leur ennui et ne tiennent pas en place. C'est le cas de mon enveloppe corporelle actuelle.

Trempant ses lèvres dans la mousse onctueuse et fine, la voix marqua un temps d'arrêt:

- Elle est pas mal du tout... Goûtez et dites moi ce que vous en pensez. On finira par un petit hydromel...

Il sortit un paquet de cigarette de sa poche de sweat et en extirpa une puis la rangea comme s'il s'était ravisé. Il avait habitué son hôte à changer régulièrement de marque afin que ce vice agaçant ne le rende pas identifiable mais préférait encore qu'il ne fume pas du tout. Toutes les manies d'un être sont autant de choses qui le rendent repérable, remarquable.

- Vous voyez ... une de ses occupations, par exemple, esquinter sa voix en fumant ces saletés ... Les vampires restent parfois tellement humains ... Je ne vais pas tourner autour du pot davantage... Je me nomme moi-même Mentis Irae mais ce n'est bien sûr pas le nom que mon père m'a donné. Vous entendrez bientôt parler de ce nom, si ce n'est déjà fait. Je sais ce que vous faites et je vous annonce que vous allez cesser de le faire, d'une manière ou d'une autre.

Avant que Keith pût proférer une réponse bien sentie de son cru, comme Mentis pouvait s'y attendre, une jolie rousse aux bouclettes et à la poitrine généreuses s'invita sur les genoux du bel écossais et lui susurra:

- Et si vous me disiez d'où vient cette étoffe qui enserre vos belles cuisses musclées ?

- Et si vous nous laissiez continuer cette conversation tranquillement, Mademoiselle ? Rétorqua Mentis sans lever le nez de son verre. Il aurait pu la renvoyer à ses occupations avec d'autres clients d'une simple pensée, juste en l'exigeant, mais il voulait observer le comportement de Keith face aux tentations de tout ordre. Quelle part d'humanité touchante vibrait encore dans l'esprit et le corps dont le cœur avait cessé de battre depuis  quatre cents ans ?


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{abandonné} Le Miroir de la Prophétie

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