RSS
RSS
lienlien
La Légende s'écrit ici




 






Le Deal du moment : -21%
LEGO® Icons 10329 Les Plantes Miniatures, ...
Voir le deal
39.59 €

Partagez

{achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
AuteurMessage
Anonymous
Invité
Ambroise Duquesne
MessageSujet: Re: {achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues {achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues - Page 1 EmptyMer 17 Sep - 7:45
J'assistai avec un certain étonnement à la transformation de Stan, mes connaissances en matière de métamorphose vampirique étant maigres. Et pour cause, je n'avais jamais pris la peine de m'intéresser à ce sujet pourtant crucial. Malgré la noirceur environnante et la rue mal éclairée du fait de sa localisation dans les quartiers populaires, je vis clairement les bras de l'homme qui était face à moi se muer en longues ailes sombres et sa bouche s'allonger pour devenir un bec acéré. Stan laissa place à un corbeau aux plumes aussi noires que la voûte céleste en cette nuit où lune n'était qu'un fin croissant de lumière. Je le fixai une seconde, impressionnée par l'aura de puissante indépendance qu'il dégageait, fut-ce sous sa forme animale puis, sous son regard indéchiffrable, je me changeai également en volatile. Le colibri, lui, était loin d'être un oiseau majestueux, pas le genre d'être ailé que l'on remarquait dans la rue au point de lever vers lui des yeux à la fois émerveillés et envieux ou qui avait une présence indéniable dans le ciel. Non, ce n'était qu'un discret oiseau-mouche, rapide et passe-partout, invisible s'il le voulait. Libre et indépendant aussi, mais sans le clamer au monde entier à la manière des plus grands rapaces. Une rareté que seul l’œil attentif pouvait déceler.

Au final, ma métamorphose et moi étions peut-être plus similaires que je ne voulais l'admettre.

Je n'eus pas le temps de méditer à propos de cette phrase car, dès que je me fus élevée à la hauteur du corbeau, Stan et moi nous envolâmes à l'unisson. Un rayon lunaire éclaira faiblement mes vêtements volés quelques jours auparavant, le vieux bonnet de laine qui ne me quittait plus depuis des années et l'enseigne du « Bon Buveur », que j'abandonnais derrière moi. Je ne me retournai pas pour les voir une dernière fois. Rien dans cet endroit sordide ne me manquerait.

Nous volâmes longtemps dans l'obscurité de la nuit, avec pour seules compagnes les étoiles lointaines, le sifflement des courants d'air et la fraîcheur de la nuit avancée. Le corbeau planait à un rythme lent et mesuré dans le but de ne pas me distancer et moi, j'évoluais avec cette légèreté et cette fluidité qui étaient propres à mon espèce. Toutefois, battre en permanence des ailes à raison d'une cinquantaine de battements par seconde était harassant et je restais consciente que, au terme de ce voyage, il me faudrait me restaurer dans les plus brefs délais, sous peine que ma soif de sang ne me rende incontrôlable. Mes premières transformations avaient été porteuses d'expériences sanglantes que je ne souhaitais pas réitérer. Non pas que la vie des humains m'importe spécialement mais pour rien au monde je ne me serais à nouveau soumise à cet état de fureur rageuse que causait une faim trop longtemps ignorée et insatisfaite. Tout vampire se devait de savoir garder le contrôle de lui-même, et connaître ses limites. Pour l'heure, et heureusement, les miennes étaient loin d'être atteintes mais il me fallait garder à l'esprit qu'un vol de plusieurs kilomètres ne serait pas sans conséquences sur mon appétit.

C'est à cela que je songeais lorsque je vis mon compagnon baptiser de ses déjections d'anciens lieux saints dont les vampires avaient pris possession. « Très distingué », pensai-je ironiquement. Si les colibris avaient possédé une paire de sourcils, j'en aurais haussé un, interrogateur. Comme toutes les créatures aux dents longues, je n'appréciais que peu l'Église et l'idée de me retrouver à l'intérieur d'un de ces bâtiments, qui semblaient aussi vieux que le monde et aussi indestructibles que la foi qui animait les fidèles, me hérissait les poils. Cependant je ne ressentais aucune animosité particulière envers le clergé. Après tout, si j'étais restée humaine, j'aurais très bien pu me retourner vers la religion un jour ou l'autre, en pensant naïvement qu'elle me protégerait de la folie meurtrière du monde et des canines dangereuses qui rodaient au dehors. On ne pouvait en vouloir aux humains d'avoir un peu d'espoir. Même si espérer quoi que ce soit de bon en ces temps funestes était un acte des plus stupides.

Mon regard divagua un long moment vers la succession de ruelles lugubres qui s'étendaient en dessous de nous. Mon terrain de chasse habituel. Malpropres mais ayant l'incontestable avantage d'être du quartier prolétaire. Ce qui signifiait beaucoup d'hypothétiques victimes, peu de lampadaires en état de fonctionnement pour les laisser vous discerner et jamais d'enquête ou de tentative de vengeance, quelle que soit la personne que vous assassiniez. « Dans ce genre d'endroit, personne n'ose. Ils savent tous qu'ils ne font pas le poids face aux vampires. » C'en était même presque décevant, la chasse manquait parfois de piment. L'humanité n'était plus qu'un troupeau de bétail qui se laissait docilement mener à l'abattoir sans réagir, le peuple s'abrutissant de plus en plus au fil des années. Assise dans ma taverne, j'avais observé leur pénible décadence. Aucune révolte n'était venue soulever ces masses informes d'humains hébétés, aucune résistance n'avait tenté de mettre une fin à leur avilissement, le Comité de la Libération lui-même semblait se lasser de cette guerre sans fin. Jour après jour, les humains n'avaient fait que sombrer davantage sans chercher à se débattre, attendant simplement de toucher le fond afin de savoir s'il y avait moyen de choir encore plus bas. J'aurais continué à suivre le mouvement général, m'enfonçant avec eux dans le gouffre du déclin si je n'étais pas partie ce soir. Nous dépassâmes la ville et je cessai alors de me préoccuper du sort de la race humaine. De toute façon, elle était condamnée quoi qu'il arrive.

Les zones urbaines laissèrent place à des champs s'étendant au-delà de la ligne d'horizon et de ce que mes capacités visuelles me permettaient de percevoir. Nous nous dirigions à pleine vitesse en direction de l'aube naissante. Le spectacle était saisissant pour quelqu'un qui n'y était pas habitué et, en l’occurrence, je n'avais vu ni lever de soleil ni verdure depuis... au moins une vie. J'observai avec intérêt la terre meuble recouverte de feuilles d'un émeraude éclatant, elles-mêmes garnies de milliers de gouttelettes de rosée du matin, les portions entières de sol colonisées par de longues tiges de blé doré et les nuages auxquels l'astre du jour donnait petit à petit une teinte orangée. La présence de ces derniers m'était pour le moins ennuyeuse, étant par nature peu friande des expositions à la lumière du jour. Et il y avait fort à parier que Stan partageait mes goûts sur ce point. Les dernières minutes de vol se jouèrent sur le fil du rasoir, cependant, nous arrivâmes avant l'astre éclatant à Bourget.

Je me transformai à nouveau et atterrit tout en souplesse sur le goudron lisse et froid du hangar. M'ayant devancée peu avant notre arrivée, mon nouvel employeur – il me fallait bien m'habituer à le nommer ainsi – était en pleine discussion avec un jeune homme qui lui tendait une chemise propre et neuve, certainement en vue de cacher les multiples cicatrices qui constellaient son torse. Ces traces d'anciennes blessures me confirmèrent que la vie d'Immortelle avec lui ne risquait pas être de tout repos. Je grimaçai en notant que le steward sentait la chair fraîche et le sang bouillonnant. Un humain. Stan avait des humains à son service et il faudrait bien que je les supporte, au moins le temps du trajet en avion. Cette situation ne m'enchantait guère. La faim me tenaillait le ventre depuis que j'étais à nouveau vampire et j'aurais volontiers croqué dans la gorge d'une jeune personne pour la faire taire. De plus, je n'appréciais pas la façon dont ce Sean me reluquait, les joues empourprées et le regard faussement fuyant, s'attardant plus que de raison sur mes courbes dénudées. Je doutais cependant que Stan approuve un choix de repas parmi ses employés et me contins, non sans un léger regret, croisant les bras en maudissant l'anatomie humaine qui faisait en sorte que, dans cette position, mes avant-bras se plaçaient juste en-dessous de ma poitrine et non devant.

J'écoutai distraitement l'échange des deux hommes, prenant ainsi connaissance des origines princières de mon employeur. À vrai dire, l'information ne m'étonnait qu'à moitié, son allure et sa manière d'être évoquaient déjà à elles seules la souveraineté et la grandeur d'un seigneur antique. À présent, j'étais seulement curieuse de connaître les circonstances ayant mené un prince d'un autre âge à se faire transformer en vampire. Je vis Sean me tendre quelques vêtements que je lui pris d'un mouvement sec. Bien qu'il soit plus grand que moi, je le toisai d'un air hautain avant d'enfiler le pantalon moulant qu'il m'avait apportée. J'étais en train de serrer mon corset quand Stan me lança d'un ton amusé de venir le rejoindre lorsque j'y aurai entré mes atours généreux, ce qui eut pour effet immédiat de me faire baisser les yeux vers lesdits atours, lesquels étaient selon moi loin de pouvoir être qualifiés de « généreux », « plantureux » ou quelque autre adjectif faisant référence à de l'abondance. Je choisis de ne pas prendre en compte sa remarque, tirai sur les lacets de mon haut, pris la veste que Sean me tendait en grommelant un vague mot de remerciement et me dirigeai à mon tour vers le jet privé situé en bout de piste.

Au moment où je pénétrai dans l'avion, une nouvelle grimace déforma mon visage. Premièrement car il y avait un second humain à bord, selon toute logique le pilote que Stan avait évoqué quelques minutes auparavant et deuxièmement, à cause des goûts musicaux déplorables de mon nouveau patron, qui m'attendait, confortablement installé dans un fauteuil de son salon luxueux, deux verres d'une vodka polonaise servis devant lui et un morceau que je jugeai dès la première seconde brutal et cacophonique se diffusant dans la pièce.

- Je ne pensais pas avoir affaire à un mélomane, dis-je en guise d'entrée en matière.

Lors de ma vie humaine, j'étais tombée amoureuse de la musique... mais pas de n'importe laquelle. Pour moi, seule la musique classique valait la peine d'être jouée et écoutée, rien n'avait plus de grâces à mes yeux qu'une mélodie pure et sans paroles. J'avais dans l'idée que les chanteurs dénaturaient l'harmonie des instruments par leurs voix, les rimes qu'ils récitaient ne faisant que l'enlaidir de la plus prosaïque des manières. Par mon opinion, je rejetais tous les styles musicaux modernes. En deux siècles, mon avis à propos de la musique était une des rares choses qui n'avait pas changé chez moi. Mon observation n'avait rien d'anodin, ni de positif. Je m'assis face à Stan, prenant soin de ne pas toucher à la boisson qui était posée face à moi. Il y avait des instants où il fallait savoir rester sobre et raisonnable, surtout lorsqu'une fringale menaçait de vous faire sauter sur le premier humain venu qui aurait l'imprudence de se tenir trop près de vous.

- Maintenant que nous nous envolons vers une destination secrète et que j'ai accepté le contrat tête baissée sans même savoir de quoi il en ressortait, puis-je en connaître les modalités ? Savoir dans quoi je m'engage m'intéresse au plus haut point.

Je ne demandai pas où nous nous rendions, sachant que j'aurais bien assez tôt la réponse à cette question, espérant que le vol ne dure pas plus d'une petite heure, voire deux. Au-delà de ce laps de temps, je ne répondais plus de rien et il faudrait probablement m'enfermer pour la sécurité des gens aux alentours. Je n'envisageai pas l'option de quémander quelque chose à manger à Stan. Être une jeune vampire effrontée ne m'empêchait pas de conserver une certaine dose d'amour-propre.
Revenir en haut Aller en bas
AuteurMessage
Constantin Basarab
Messages : 116
Date d'inscription : 23/08/2014
Constantin Basarab
MessageSujet: Re: {achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues {achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues - Page 1 EmptyJeu 18 Sep - 17:57



Il leva les yeux à l'arrivée d'Ambroise dont il pouvait sentir toute la tension bien qu'elle eût choisi de la masquer sous les sarcasmes, puis posa son magazine et se redressa dans son fauteuil, tout en la détaillant sans vergogne, un sourire au coin des lèvres. Joli brin de fille, vraiment. Sean avait bien choisi la tenue. Le pantalon moulant et le corset tout aussi prêt du corps mettaient en valeur des formes moins juvéniles qu'il ne l'aurait cru lorsque le corps de la jeune fille était encore caché sous des vêtements plus décontractés. Menue mais bien proportionnée, ses courbes étaient soulignées par les atours qu'elle portait à présent. Il se serait peut-être laissé tenter en d'autres circonstances mais il n'avait guère le loisir d'entreprendre une campagne de séduction qui serait certainement compliquée par la défiance émanant de sa nouvelle employée. Il aimait la difficulté en matière de séduction et ne subornait jamais les femmes faciles pour des victoires qu'il jugeait sans saveur parce que trop facilement acquises, mais pour l'heure, il avait plus urgent à envisager. Tandis que les moteurs vrombissaient et que l'avion entamait son décollage, il ouvrit un compartiment bagage à côté de son fauteuil et en extirpa un ordinateur portable, bijou de technologie ancienne mais bien pratique que seuls les nantis de ce monde pouvaient s'offrir. Il l'ouvrit et le démarra après l'avoir connecté à un vidéo projecteur qui envoya une image sur la cloison blanche séparant le cockpit du salon. Un homme blond et barbu apparu , vêtu d'un costume de guerrier d'un autre temps.

- Je vous présente Darkan Lupu, mon Sire. Voïvod de Moldavie et de Valachie, chef de guerre de la Chasse de Brancia, titres qu'il a usurpés après avoir tenté de m'éliminer. Il me croyait mort et enterré, mais il avait omis un détail. Un vampire dont on n'arrache pas le coeur ne fait que dormir en attendant son heure. Quand la mienne est venue, les temps avaient changé et j'ai ... traversé les âges et les pays en prenant diverses identités. Sana jamais pouvoir lui reprendre ce qui me revient de droit.

Il tendit un dossier à Ambroise tout en plongeant son regard dans le sien.

- Voici le résumé de ma vie. De mes vies, devrais-je dire. En vous le communiquant, je vous donne la mesure de la confiance que je vous accorde. Peu de personnes savent certaines choses qui y sont relatées. Je ne prends pas de risque majeur en vous les révélant. Le passé ne peut être réécrit, mais je suis assez discret sur le mien pour ne pas vouloir qu'il soit divulgué. Évitez donc de parler de votre employeur à vos amants de passage sinon je vous étoufferai moi même avec votre oreiller. Officiellement, je suis à présent un chanteur, un artiste un peu décadent, en vogue dans le mouvement musical appelé metal symphonique. Je suis bien aise que vous ne goûtiez pas à ma musique. Recruter une fan aurait compliqué les choses.

Il cliqua sur le powerpoint et continua.

- Revenons-en à Darkan. Il est actuellement à Paris et si j'ignore en partie les raisons de sa présence, je suis certaine de l'une d'entre elle. Il veut en finir avec moi. Pour cela, il ne s'épargnera aucun mal et ne se souciera pas des dommages collatéraux engendrés. Il est irrémédiablement fou. C'est un vampire d'une puissance extrême mû par la haine qu'il me voue. Il a à son service une puissante armée, la mienne, en l’occurrence. Mais cela changera le jour où nous seront à nouveau confrontés. Ajouta-t-il en faisant apparaitre la photo de Fédor Illytch.

- Son acolyte, son âme damnée, Fédor Illytch. Bien que moins puissant, il est tout à fait redoutable et surtout d'une extrême barbarie. Sa cruauté n'a d'égal que la mégalomanie de Darkan qu'il sert comme un chien fidèle. Son moteur est la vengeance. Il voue une haine sans égal à la race humaine et à la différence de Darkan qui sait que nous sommes condamnés si les hommes disparaissent totalement, Fédor se moque bien de mourir. Rien ne le tient en vie que sa vengeance.

Constantin but une gorgée de vodka et haussa les sourcils en esquissant un sourire ironique.

- Elle n'est pas à votre goût ? Ou avez-vous peur que je vous berne sur les termes du contrat ? A moins que vous ne pensiez que je suis le genre d'employeur à ne pas permettre la moindre récréation à ses collaborateurs ?

Il fronça les sourcils en remarquant l'extrême pâleur, le tremblement de la main d'Ambroise et rapprocha son visage du sien.

- Mais vous mourrez de faim, comment n'y ai-je pas pensé plus tôt ?

Il actionna l'intercom et la voix de Sean se fit entendre.

- Maître ... Monsieur ...Qu'y a-t-il pour votre service ?

- Apportez une carafe de sang frais dans le salon. Nous avons une petite soif autre que d'alcool.

Sean marqua un temps avant de répondre, étonné de la requête de son maître qui goûtait peu au sang dans un verre mais préférait la chasse. Il eut toutefois la délicatesse et la présence d'esprit de ne pas en faire état et apparut promptement avec un plateau chargé d'une carafe en cristal de Bohême et de deux verres à pied assortis. Il les remplit sans se troubler, ni trembler. Après tout, il était au service d'un vampire, certes, mais qui aidait bien plus des siens qu'il n'en assassinait. Sean songea à sa mère et à ses jeunes frères et sœurs, à l'abri au Château de Minerve, au service de Basarab, mais respectés et bien traités, hors des dangers de la capitale et de la convoitise des vampires de tout crin. Il devait cela à ce vampire. Alors, il voulait bien fermer les yeux sur les chasses nocturnes et solitaires du Prince, sur ses frasques décadents en compagnie de demoiselles ou celles du passé qui lui avaient été contées comme des légendes par les habitants du village, avec de jeunes hommes, sur ses bizarreries, à s'enfermer des jours et des nuits entières en refusant de voir quiconque, même un domestique, sur ses sautes d'humeur impressionnantes et aussi sur le profond désespoir qui semblait s'abattre parfois sur son Prince. Lui, Sean, avait encore une famille, et grâce à lui. Constantin Basarab, à l'inverse, semblait seul au monde, sans attaches, seul survivant d'un passé révolu et à qui la course du temps avait arraché l'un après l'autre les êtres aimés. Respectueux envers celui qu'il servait, Sean plaignait l'homme en secret tout en craignant le vampire. Une fois qu'il eut accompli sa tâche envers son patron et sa nouvelle employée, non sans avoir remarqué l'hostilité et la convoitise qu'elle lui portait, ni le regard insistant qu'elle posait sur son cou, il se retira discrètement.

Constantin leva le verre rempli de liquide carmin bien qu'il n'en éprouvât pas réel besoin et encore moins d'envie, afin d'encourager Ambroise à faire de même.

- Reprenez des forces. La journée va être longue et même si elle ne nous est pas fatale, comme le disent certaines légendes, la lumière du jour nous éprouve durement.

Tremper ses lèvres dans ce verre plein de mort lui provoqua un déplaisir qu'il pensait avoir oublié et il reposa le verre promptement.

- Désolé, je crains d'être trop vieux pour m'accoutumer à la consommation du sang de cette manière sans en avoir réelle nécessité, mais que cela ne vous prive pas de votre plaisir.

Il poursuivit ensuite son exposé et fit apparaître la photo de Zélie extraite d'un article de presse dans lequel on la voyait chanter accompagnée de camarades du Conservatoire.

- Vous devez vous douter que je ne vous ai pas engagée pour me servir de garde du corps personnel. Mentionna-t-il en arborant un sourire narquois... Encore que dans le cadre de mon activité artistique, ce ne soit pas complètement inutile, mais, comme vous ne supportez pas la musique de Zagiel. Enfin trêve de plaisanterie, il s'agit de protéger mon Infante, cette jeune fille, qui est vraisemblablement en danger à cause de ces deux individus. Et, point plus délicat, de la protéger d'elle-même lors de son réveil, qui ne devrait tarder. Je l'ai transformée et transportée en lieu sûr cette nuit. Votre tâche sera de l'éduquer et de la guider dans sa nouvelle vie. Je pourvoirai à ses besoins mais n'aurai guère le temps de lui apprendre tout ce qu'elle doit savoir dans l'immédiat. Enfin, pas le temps que j'aurai voulu y accorder. Cela ne veut pas dire que je vais vous laisser vous débrouiller totalement avec ce nouveau-né. Je reste son Sire et je ne suis pas homme à fuir mes responsabilités, mais vous serez en quelque sorte son garde du corps, son précepteur, sa gouvernante. Je me chargerai moi-même de son éducation martiale et historique concernant les nôtres ... vous en bénéficierez par la même occasion si vous le souhaitez.

Il coupa l'image et tendit un autre dossier à Ambroise.

- Voici des informations concernant Zélie Delhomme et sa famille. Vous devrez en prendre connaissance avec la plus grande attention. Je suis loin d'avoir fini de vous exposer la situation et autres dangers qui nous guettent mais je suis prêt à répondre déjà aux questions qui vous viennent déjà à l'esprit.

Puis il ajouta en la scrutant de son regard d'orage :

- Vous sentez-vous mieux ? Ce nouveau breuvage vous convient-il ?


Revenir en haut Aller en bas
AuteurMessage
Anonymous
Invité
Ambroise Duquesne
MessageSujet: Re: {achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues {achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues - Page 1 EmptyVen 19 Sep - 12:39
Je sirotai lentement la boisson que mon employeur avait fait apporter dès l'instant où il avait remarqué que je ne me trouvais pas dans un état normal. C'était la première fois que je buvais du sang ne provenant pas directement d'une jugulaire mise à nue par mes soins, ayant toujours préféré la chasse à tout autre mode de nutrition. Ce serait par ailleurs la première et la dernière fois. Ce breuvage avait un goût infect. J'avais la sensation désagréable d'avaler de longues gorgées de cendre, de sentir ces cellules mortes et se dégradant lentement s'aventurer sur mes papilles, y répandant leur saveur amère. On ne devrait consommer cela qu'en cas de nécessité absolue, pensai-je, tentant d'oublier qu'il me faudrait vraisemblablement me contenter de cette boisson peu alléchante, au moins pour la journée.

- Je me sens mieux, oui. Articulai-je en me forçant à déglutir afin de chasser l'amertume du sang de ma langue. Je n'avais jamais expérimenté le sang en carafe auparavant et... Pour être tout à fait honnête, au risque de paraître discourtoise, je trouve que rien ne vaut un humain vivant. Ici, le breuvage a comme un goût de... mort. Quoi qu'il en soit, merci, j'étais effectivement affamée.

Un silence dont je ne pus évaluer la durée exacte s'installa, uniquement rythmé par le son de la musique d'ambiance, selon toute probabilité encore un des titres du groupe de Stan, Zagiel. Sereine, maintenant que la faim ne me tenaillait plus, je réfléchissais aux premières questions que j'allais lui poser, il me fallait faire le tri dans la foule d'interrogations qui se pressaient dans mon esprit. Éliminer celles qui trouveraient certainement réponse à la lecture des dossiers que mon nouveau patron m'avaient tendus et, surtout, faire fi de celles qui ne relevaient que d'une simple curiosité, qui serait de toute manière satisfaite à un moment ou à un autre. J'avais toujours été trop curieuse, appréciant plus que de raison fouiner dans le passé des autres, avide de découvrir ces secrets inavouables que l'on cache soigneusement au fond de ses placards, l'oreille souvent aux aguets, en quête d'une confidence à recevoir ou d'une conversation privée à épier. Cette fâcheuse manie de me mêler sans cesse des affaires d'autrui m'avait à de nombreuses reprises attiré de légers ennuis, voire des représailles mais n'avait jamais disparu malgré tous les efforts que fournissaient mon père dans le but de me soulager de cette tares des plus dangereuses dans la société où nous vivions. Encore à l'heure actuelle, j'aurais adoré connaître, par exemple, les raisons qui poussaient Darkan Lupu à haïr ainsi Stan, au point de braver le Cercle en venant à Paris accompagné de son armée afin d'en finir avec lui. Je doutais que ce genre d'information soit stipulé dans les dossiers qui étaient à présent en ma possession cependant, je savais que le temps, mieux qu'une question qui paraîtrait déplacée et indiscrète, m'apprendrait ce que je souhaitais savoir. Au fil des jours, j'apprendrais la cause de cette haine, grâce à une allusion ou l'autre de mon employeur à propos de son passé. Je me contentai donc de demander des éclaircissements quant à un sujet qui me semblaient essentiel.

- Plusieurs questions me taraudent mais une, en particulier, me vient à l'esprit : pourquoi choisir une personne aussi peu recommandable que moi ? Surtout pour garder et éduquer une Infante à peine transformée, une alcoolique un peu louche croisée dans un bar n'est-il pas contre-indiqué ? Paris ne manque pourtant pas de vampires autrement plus fiables que moi.

La description que je fis de ma propre personne m'amusa. En réalité, j'aurais pu être n'importe qui, une toxicomane dangereuse et instable ou bien, pourquoi pas, une espionne qui serait à la solde du Cercle ou de son ennemi juré. Et même si ce n'était pas le cas, je restais une inconnue dont Stan ne savait rien et n'avait entraperçu que quelques défauts. J'appréciais la confiance qu'il m'accordait d'emblée mais m'en méfiais tout autant.

- Ensuite, j'en viens à me demander si notre rencontre ainsi que les événements qui en ont découlé étaient réellement fortuits ? Un majordome nous attendait à notre atterrissage à Bourget tout à l'heure avec deux tenues en main, dont une m'était destinée, comment a-t-il été prévenu de notre arrivée alors qu'aucun coup de fil, à ma connaissance, n'a été passé durant la soirée ? À moins qu'engager une jeune femme de mon gabarit ait été prévu à l'avance ?

Je terminai ma coupe de sang telle une enfant à qui l'on ordonne de boire un médicament peu appétissant et la reposai sur la table avec la ferme intention de ne plus y toucher. J'attendrai le nuit pour chasser, tant pis.

- En dehors de cela, je pense que tous les éclaircissements dont j'ai besoin se trouvent inscrits ici, dis-je en indiquant les documents posés devant moi.

Celui qui relatait la vie de Stan était pour ainsi dire énorme, en comparaison avec celui de Zélie Delhomme, son Infante. Combien de vies étaient contées sur ces pages blanches, ces dizaines de dizaines de feuilles noircies par l'encre ? Je le pris et voulus commencer à le feuilleter mais me ravisai, mieux valait prendre connaissance en premier lieu des informations qui concernaient cette demoiselle Delhomme dont j'allais en quelque sorte devenir la nourrice d'ici quelques heures. Son dossier, maigre du peu d'années qu'elle avait vécues, serait beaucoup moins long à parcourir que celui de mon employeur, qui me promettait de nombreuses heures de lecture pour le moins intéressantes.

- Combien de minutes de vol nous séparent encore de notre destination ? Demandais-je à Stan en relevant la tête des manuscrits dans lesquels j'étais déjà prête à me plonger.

C'est alors que mon regard dévia vers le hublot qui se trouvait juste à côté de mon siège. Je n'avais pas remarqué que nous avions dépassé le plafond des nuages, pensai-je avec surprise. Prendre l'avion, à l'instar de l'expérience du sang mort, était une première pour moi et, si les changements de pression ne m'avaient visiblement pas affectée, la vision du ciel sous cette perspective était tout à fait nouvelle pour moi. J'eus un peu de mal à admettre que les formes moutonneuses que nous survolions et qui ressemblaient à s'y méprendre à une immense boule de laine pelucheuse correspondaient à ces mêmes nuées grisonnantes qui flottaient si souvent au-dessus de la capitale française, apportant bourrasques et précipitations diverses avec elles. J'avais une irrésistible envie de les toucher pour vérifier que leur consistance était bel et bien vaporeuse, comme ce que mes professeurs m'avaient affirmé lorsque j'étais sur les bancs de l'école à l'époque de ma vie humaine. Soudain, un faisceau lumineux passa à travers la vitre, me procurant au passage une vive sensation de brûlure au niveau de la joue. Je refermai aussitôt le store occultant de ma fenêtre et posai ma main fraîche sur ma peau peu accoutumée aux contacts si directs avec les rayons solaires. C'est probablement le pire défaut de la race vampire, me dis-je, passant en une fraction de seconde d'un état proche de l'émerveillement face à la beauté de la voûte céleste à une humeur quelque peu bougonne, au bord du renfrognement. Et, mes yeux gris d'acier plantés dans les yeux de mon employeur, en attente de ses réponses à mes multiples questions, je décidai que je ne toucherais plus non plus à mon hublot tant que la nuit ne se serait pas à nouveau abattue sur la France.
Revenir en haut Aller en bas
AuteurMessage
Constantin Basarab
Messages : 116
Date d'inscription : 23/08/2014
Constantin Basarab
MessageSujet: Re: {achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues {achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues - Page 1 EmptyVen 19 Sep - 20:03



Encore une fois, la réaction d'Ambroise le surprit agréablement lorsqu'elle goûta au sang mort. Le déplaisir de la jeune femme était évident et au moins égal au sien et elle le manifesta avec franchise mais tout en acceptant le breuvage devenu nécessaire pour étancher sa faim. Elle avait le goût des bonnes choses mais savait s'adapter aux circonstances lorsqu'il était question de sa survie. Preuve de sagesse minimale s'il en était. Combien de jeunes vampires refusaient de se sustenter avec du sang conservé et préféraient attaquer une victime dans des circonstances périlleuses qui leur coûtaient la vie. Son regard avide sur Sean n'avait pas échappé à l'ancien qu'il était mais elle s'était retenue de tout acte irréparable qui eût marqué son arrêt de mort. On n'attaquait pas un employé de Constantin Basarab impunément qu'il soit humain ou pas. Lui seul avait droit de vie et de mort sur ses serviteurs. Elle l'avait compris instinctivement.

- Je ne peux que comprendre votre aversion pour ce breuvage en décomposition. Il est parfois des circonstances qui nous obligent à en faire usage ou à nous nourrir d'animaux. Cela m'est arrivé plus d'une fois. Le Destin est capricieux qu'on soit immortel n'y change rien malgré ce que peuvent penser quelques naïfs et je n'ai pas connu que des heures fastes pour traverser le temps. Cependant, rassurez-vous, vous aurez prochainement l'occasion de chasser en ma compagnie. Je pense ne pas me tromper en disant que vous préférez les chasses solitaires mais votre nouvelle fonction va vous contraindre à les partager quelques fois, avec moi ... ou Zélie. Je vais devoir vous montrer où il vous est permis de chasser et qui. Il est hors de question que vous décimiez, vous et mon Infante, mes métayers et leurs familles. Vous verrez toutefois que les possessions du domaine s'étendent sur le Minervois et que nous avons à disposition un vaste territoire de chasse. La chasse en campagne est très différente de celle que vous connaissez, mais, c'est mon avis personnel, bien plus grisante, proche de notre instinct premier, plus ardue mais plus excitante. A Paris vous étiez habituée à trouver des proies dociles à tous les coins de rue. A Minerve, il faut les traquer, les débusquer et elles défendent âprement leur vie. Il semblerait que les humains soient moins dégénérés dans la nature et moins enclins à se faire égorger comme des moutons à l'abattoir. Une vie nouvelle et riches en sensations va débuter pour vous Ambroise...

Il marqua un temps d'arrêt pour boire une gorgée de vodka qui estomperait le goût âcre du sang.

- Revenez donc à la vodka si vous souhaitez vous rincer le gosier... Une vie nouvelle mais pas exempte de dangers. On meurt beaucoup autour de moi, et ce depuis toujours. Faites mentir la fatalité qui pèse sur moi. Restez en vie. Ajouta-t-il en souriant. Pourquoi vous ? Et bien précisément parce que vous êtes assez louche et maligne pour avoir survécu dans ce trou à rat qu'est la ville grise, parce que vous ne cherchiez pas à attirer l'attention sur vous et que j'apprécie la discrétion. Enfin, je dois l'avouer, parce que le temps presse. Pour moi, mais aussi plus généralement. Il y a des signes qui ne trompent pas un œil averti. Si le loup sort de sa tanière c'est qu'il a senti un danger. Je ne suis pas assez mégalomane pour croire que Lupu ne s'est déplacé que pour moi et avec une armada. S'il voulait uniquement me défier et m'éliminer, il serait venu seul ou avec une poignée d'hommes.

Il jeta un regard perplexe et se tourna vers le hublot qui demeurait non oblitéré et se perdit dans la contemplation du lever de soleil. La lumière du jour gênait considérablement Ambroise, marque de sa jeunesse. Avec les siècles venait l'adaptation et l'endurance à la luminosité, plus le sang d'un vampire était ancien, mieux il supportait les rayons du soleil. Puis venait le déclin, car le vieillissement, même s'il était imperceptible chez les Immortels, était l'apanage de toute forme organique et les vampires demeuraient des enveloppes organiques, mortes certes mais sensibles à l'usure du temps... à quelques exceptions près... Le Premier, lui sans doute... Et ses Infants...disséminés à la surface de la Terre vivant retranchés du monde, eux échappaient, selon la légende à cette lente déchéance plus morale que réellement physique. Un vampire, un simple vampire, finissait toujours par sombrer dans cette sorte de mélancolie, de lassitude, proche du Zal des peuples slaves et son envie de perdurer s'effritait comme le Sphinx de Gizeh au vent du désert. Il devenait alors plus vulnérable à toute agression et à la tentation d'en finir. Mais peu, très peu d'anciens arrivaient à cet âge vénérable. La plupart quittaient leur seconde vie dans des circonstances violentes et non désirées. Que voulait-il, lui Constantin ? Comment envisageait-il l'avenir ? Il était bien incapable de répondre à cette question. La seule certitude qu'il avait c'est qu'il se battrait jusqu'au bout pour rester libre, comme il l'avait toujours fait.

- J'ai le sentiment, Ambroise, que de grands changements vont survenir et que seuls les mieux préparés y survivront... Vous avez survécu dans le chaos, vous serez un bon professeur pour Zélie qui ne sait rien de ce qui l'attend. Je n'ai jamais engagé mon personnel sur recommandation mais toujours en me fiant à mon instinct. Je ne l'ai jamais regretté. Peut-être devriez-vous vous accorder à vous même un peu plus de crédit ? En outre, sachez que qui me trahit ne survit jamais pour s'en vanter...

Il se sentit troublé lorsqu'elle évoqua la possibilité que leur rencontre ne fût pas fortuite et la sensation qui l'avait envahi lorsque cette force l'avait poussé à transformer Zélie lui revint soudainement. Il détourna les yeux de la lumière et se passa une main lasse sur le front. Cette impression de perdre tout contrôle ... Et si Ambroise avait raison ? Si c'était cette même force qui l'avait guidé jusqu'à elle ? Il noya partiellement le poisson en répondant.

- Mon avion privé est toujours prêt à décoller, caprice de star si vous voulez. Mes employés étaient avertis que j'allais m'envoler à nouveau pour Minerve, tel est le nom de ma résidence secondaire, puisque je les en avais informé lors du premier vol de la nuit destiné à mettre Zélie en sécurité. Quant aux vêtements à votre taille, je ne voudrais pas paraître arrogant mais Sean a l'habitude de me voir m'envoler en compagnie de jeunes femmes et nous disposons d'une garde robe féminine à bord. Disons qu'il a le compas dans l’œil pour jauger les silhouettes des belles demoiselles. Acheva-t-il sur un ton qu'il voulait humoristique. Ou bien alors, peut-être que des forces qui nous dépassent tous sont à l’œuvre... Murmura-t-il d'un air pensif.

Il fut tiré de sa perplexité par une question très pragmatique de sa nouvelle employée et il lui répondit avec le même pragmatisme.

- Il vous reste exactement cinq minutes pour signer le contrat que voici. Nous allons bientôt atterrir. Si vous êtes toujours prête à faire trois mois à l'essai, vous entrerez en fonction dans environ trente minutes, le temps pour nous de voler de l'aéroport au village. Nous mettrons à profit la journée pour vous faire visiter le château et vous préparer à rencontrer Zélie. Il nous faudra partir en chasse à la tombée de la nuit pour lui rapporter son premier repas ... Vivant...


Revenir en haut Aller en bas
AuteurMessage
Anonymous
Invité
Ambroise Duquesne
MessageSujet: Re: {achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues {achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues - Page 1 EmptyVen 19 Sep - 22:21
Je pris le verre d'alcool qui m'avait été servi au décollage de l'appareil et auquel je n'avais pas encore touché et en bus une petite gorgée, appréciant la saveur de la vodka sur mes papilles, qui estompait lentement celle du sang et souriant à l'habituelle sensation de chaleur qui m'envahit par la suite. J'écoutai Constantin discourir des dangers que représentait Darkan Lupu, arrivé dans la nuit à Paris accompagné de sa Chasse et animé d'intentions qui semblaient des plus belliqueuses, expliquer qu'il sentait que notre monde était sur le point de plonger dans une nouvelle période sombre, simplement dire qu'il se fiait toujours à son instinct lorsqu'il s'agissait de choisir ses employés ou encore parler de son domaine à Minerve et des habitudes de chasse qu'il y avait. Et ce faisant, je me rendis compte à quel point je m'étais isolée du monde depuis ma transformation. Qu'aurais-je eu à raconter, ne serait-ce que s'il avait fallu que je décrive mes deux siècles d'existence ? La réponse tenait en un seul mot : décadence. Et si j'avais eu un souci de précision, il m'aurait été possible d'en donner deux : boisson et dépression. Tout autre dénomination aurait été de trop. Je n'avais vu aucun de ces signes de mauvaise augure que Stan avait observé, je n'avais même pas entendu le grondement des sabots des chevaux de ces vampires conquérants foulant les rues pavées de la capitale française. La Terre devait avoir bien changé depuis 2022, l'année de ma transformation, et je réalisai qu'il était grand temps que je sorte de mon apathie, que cela aurait dû être fait depuis un long moment.

- Un travail dangereux, une guerre qui se prépare et un patron directement lié à l'instigateur du conflit, c'est à se demander pourquoi je suis dans cet avion au lieu de m'enfuir le plus loin possible de Paris comme le bon sens le recommande, dis-je en esquissant un sourire mi-figue, mi-raisin. Mais je ne suis pas personne à changer d'avis pour si peu et cela ne m'effraie pas, je dois sûrement cette aptitude à la rue qui m'a endurcie, c'est une des rares choses positives qu'elle m'ait apportée. Je ne pense pas avoir survécu dans le chaos, comme vous le dites. Non, le chaos, c'est visiblement ce qui se prépare pour l'instant dans la capitale depuis l'arrivée de votre Sire. Je crois simplement avoir survécu et, à défaut d'avoir accompli quelque chose de bien, je peux dire que c'est déjà pas mal en soi d'avoir subsisté au milieu de cette misère. Quoi qu'il en soit, je suis toujours partante pour ces trois mois à l'essai dans une « nouvelle existence ». L'avenir nous dira si ce nouveau mode de vie convient, tant à vous qu'à moi, ou s'il me faudra m'en retourner dans ma taverne. J'admets également être curieuse de rencontrer Zélie. Voir une Infante à peine transformée m'intrigue un peu, n'ayant personnellement gardé que quelques vagues souvenirs de mes premières journées de vie en tant que vampire.

En serait-il de même pour la jeune Zélie Delhomme ? J'en doutais sincèrement. Cette période était floue et indistincte dans ma mémoire en raison du choc que les événements précédant ma transformation avaient occasionné et certainement de la douleur, tant physique que morale, qui m'avait assaillie après l'assassinat de mon père et de mon frère. Un médecin n'aurait pas manqué l'occasion de donner un nom scientifique à ce phénomène, il aurait cité le terme un trouble psycho-traumatique, amnésie partielle ou quelque autre locution médicale dont lui seul aurait réellement appréhendé le sens. Toutefois, l'Infante de Constantin ne courait pas un tel risque, elle serait bien prise en charge par son Stan à son réveil, contrairement à mes propres Sires qui m'avaient laissée pour morte après s'être assurés que j'étais totalement brisée, elle bénéficierait d'une éducation et ne connaîtrait pas l'errance de la rue. J'avais à peine eu le temps de jeter un coup d'un rapide à son dossier mais ces quelques secondes m'avaient suffi pour retenir un ou deux mot-clés et me faire une idée, même si elle restait simpliste de ce qu'avait été l'existence de cette jeune femme jusqu'à-ce que son Sire lui prenne la vie et fasse d'elle une suceuse de sang, une nouvelle paire de canines en circulation. Comme si nous étions pas assez nombreux. Nos parcours, à Zélie et à moi, étaient d'ailleurs fortement similaires, c'en était presque troublant. Très tôt, elle avait dû faire face à l'absence brutale et définitive d'une figure maternelle et, je ne l'avais pas encore lu pourtant j'étais déjà persuadée que les causes de son décès ne relevaient pas du naturel, mais plus probablement d'un meurtre perpétré par un vampire en manque d'hémoglobine. Malheureusement pour les humains, il s'agissait de la première cause de mortalité en 2213. Son père était un collaborateur, à la solde de ces vils assassins responsables de la disparition de sa mère. L'avait-elle détesté autant que j'avais haï le mien de trahir ainsi la mémoire d'une défunte en acceptant de s'associer aux dents longues ? De toute manière, quel que soient les sentiments qu'elle avaient nourri à son égard, elle regretterait son vieux père une fois sa transformation achevée et il y avait fort à parier que Zélie donnerait ses biens les plus chers afin de retrouver son humanité perdue et sa vie d'antan. Elle avait au moins eu le loisir d'entreprendre des études avant d'être mordue et avait choisi les arts, comme je l'avais également fait des années plus tôt. Et soit cette branche était un exutoire commun pour les enfants de collaborateurs, soit je venais de nous trouver, à l'Infante et à moi, une nouvelle similitude. Stan avait évoqué à voix basse la possibilité que des forces supérieures soient à l'œuvre en ce moment, j'étais profondément réaliste et athée, convaincue que nous étions seuls maîtres de notre destin, il en aurait fallu bien plus pour faire fléchir mes convictions. Toutefois il n'empêchait que ces coïncidences en série étaient déconcertantes.

- Je vous conterai probablement les événements qui ont entouré ma transformation un jour ou l'autre si le sujet vous intéresse ou bien si nous nous ennuyons lors d'une soirée au coin du feu. En tout cas, je pense que ce ne sera pas pour aujourd'hui, j'ai comme le pressentiment que cette journée ne nous laissera pas le temps de souffler et toute histoire mérite d'être narrée lentement et dans le calme.

Mon ton se fit un peu plus sérieux et pressant lorsque je me rendis compte qu'il ne nous restait que très peu de temps avant l'atterrissage à Minerve et que j'avais encore une foule de choses à dire à Constantin.

- Pour en revenir à Zélie, il est toujours malheureux de se faire transformer en vampire mais, en un sens, elle a plus de chance que la plupart de ses congénères. Je ne pense pas que beaucoup d'Infants aient droit à un premier repas servi sur un plateau d'argent comme ce sera son cas. Et c'est justement à cause de cela que je souhaite vous dire que je n'ai aucun intention d'être tendre ou trop protectrice avec elle, cela irait à l'encontre de ma nature. Les seules choses que je suis à même de lui enseigner sont comment se débrouiller en milieu hostile et comment vivre lorsqu'on possède peu, voire rien du tout. Mais vous en êtes déjà conscient, sans quoi je ne serais pas assise ici. Je voulais tout de même éclaircir ce point avant d'apposer ma signature au bas de ce contrat.

Je pris le fin paquet de feuilles et le stylo que mon employeur me tendait et fis mine de le parcourir sans pour autant le lire. Finalement, je trouvai ce que je cherchais sur la dernière page du contrat - un grand espace vide de texte – et entrepris de le découper consciencieusement. Puis, tentant de ne pas faire baver l'encre de mon stylo, j'y inscrivis quelques phrases d'une écriture ronde et régulière, encore identique à celle que j'utilisais à l'époque lointaine où j'étais sur les bancs de l'école. Au début, ma main était hésitante et ma plume engourdie par trop de temps passé sans rien avoir couché sur le papier puis, avec lenteur, elle se fit plus fluide. Le pilote amorça sa descente vers la terre ferme au moment précis où je notais mes derniers mots et je signai sous mon billet ainsi qu'à la fin du contrat de Constantin sans prendre la peine de le consulter. Souriant en remarquant mes doigts bleuis par l'encre que je n'avais pu empêcher de tâcher mes doigts, je pliai mon papier en quatre et le déposai sur la table qui me séparait de mon employeur. C'est cet instant que choisit le jet pour toucher le tarmac, me forçant le temps d'une minute à rester assisse sur mon siège, les mains légèrement crispées sur les accoudoirs. L'appareil immobilisé, je me levai – non sans un certain soulagement que le vol soit achevé - et déclarai d'un ton amusé :

- Chacun son tour, Stan. Ceci est votre propre contrat. Il n'est pas daté, libre à vous de le signer dans l'immédiat ou non, ou même jamais, après tout, c'est vous qui décidez d'en accepter les modalités ou pas. Vous constaterez que mes exigences ne sont pas nombreuses... À vrai dire, je n'en ai qu'une seule. Je vous laisse vérifier que la paperasse est en ordre et en prendre connaissance, cela durera moins d'une minute, le texte est court. Et pendant ce temps, je sors habituer mes yeux à la lumière du jour avant notre départ pour le village. Espérons que le ciel soit couvert...

Je sortis d'un pas décidé de l'avion et inspirai un grande bouffée d'air pur de la campagne.

Billet:
Revenir en haut Aller en bas
AuteurMessage
Constantin Basarab
Messages : 116
Date d'inscription : 23/08/2014
Constantin Basarab
MessageSujet: Re: {achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues {achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues - Page 1 EmptySam 20 Sep - 14:52


Constantin fut rassuré par les propos d'Ambroise et mesura à quel point cette fille serait une aide précieuse dans la nouvelle charge qui lui était échu. Une charge qu'il n'avait pas voulu, qui lui avait été imposée par Darkan et s'ajoutait à la longue liste de griefs qu'il accumulait contre lui. Sa nouvelle employée avait une intelligence vive et beaucoup de perspicacité, comme l'éclat de ses yeux le lui avait laissé soupçonner lorsqu'elle sortait de cet espèce d'abattement derrière lequel elle se cachait. Un esprit sagace en sommeil, aiguisé par les aléas d'une vie qu'elle lui promit de dévoiler au fil d'une conversation entre employé et employeur, lorsqu'ils en auraient le temps. Ce n'était certes pas pour tout de suite. Pour l'heure il se félicitait d'avoir trouvé rapidement la femme de la situation pour la tâche délicate qui s'annonçait. Toutefois, il crut bon d'apporter quelques précisions au sujet de Zélie.


-Tout ne s'est pas passé de la façon que vous envisagez, pour Zélie Delhomme. Si je suis bien son Sire, je ne suis pas celui qui l'a mordue. Elle a été agressée par Fédor Illytch, certainement sur ordre de Darkan, qui sait depuis toujours que je répugne à avoir des Infants. C'est encore une façon de plus de me provoquer pour rendre inévitable l'affrontement final qui nous départagera. J'aurai pu choisir de la laisser mourir, affaiblie par la morsure qui l'avait vidée d'une partie de son sang, mais quelque chose d'inexplicable m'en a empêché. En outre, alors que j'hésitais encore sur la conduite à tenir, les cavaliers de Darkan se sont présentés à la porte de son domicile. Il était hors de question que je la laisse tomber entre leurs mains et se faire transformer par l'un d'eux. J'aurai pu soustraire son corps à leur vindicte et la laisser s'éteindre alors que je l'emportais mais son oncle m'avait supplié de la rendre immortelle plutôt que de la laisser mourir. Il faut que vous sachiez que pour le père de Zélie, et son oncle, je suis celui qui l'a agressée. Ils m'ont surpris agenouillé auprès du corps de leur Zélie chérie, alors que je venais la secourir, informé par Fédor lui-même de son dernier acte de barbarie, et pour eux tout était évident. Rien de ce que j'ai pu essayer de leur faire entendre n'aurait pu changer leur conviction. J'ai donc cédé à la requête de l'oncle, poussé par je ne sais quelle folie, et accepté d'"assumer jusqu'au bout", comme il dit, un acte dont je ne suis pas l'auteur.

Il passa sous silence le malaise dont il avait été victime lors de cette confrontation et le profond désespoir qui s'était abattu sur lui au point de vouloir en finir avec lui-même, mais son regard s'assombrit brutalement et il serra imperceptiblement les mâchoires. Darkan avait bien des raisons, à ses yeux, de passer de vie à trépas et celle-ci n'était pas la moindre.

- Zélie aura sans doute des pulsions meurtrières à mon égard, car il ne fait nul doute dans mon esprit, qu'elle ne souhaitait pas devenir une non morte. Pour elle, non seulement j'aurai failli à la protection de sa famille que je m'étais engagé à assurer mais je serai l'unique responsable de son nouvel état. Un monstre à l'état pur. Je crains que vous ne soyez dans une position très délicate entre elle et moi. Aussi il vous faudra être vigilante afin que ses accès de colère, et Ses crises de folie -comment ne pas sombrer, même momentanément, dans la folie lorsqu'on se réveille vampire ? Je suppose que vous avez aussi traversé cette période délicate- ne fasse pas une victime innocente parmi mon personnel, à commencer par vous.

Il se pencha pour prendre son verre à moitié rempli et le finit cul sec, remué par l'évocation de ces pénibles événements.

- Vous avez parfaitement cerné ce que j'attends de vous concernant son éducation. Il ne faudra pas la ménager, mais pas lui faire grief de l'inimitié qu'elle pourra manifester à mon égard et par conséquent peut-être envers vous. Toutefois, avec le temps, je compte bien qu'elle fera la part des choses vous concernant, et développera des sentiments plus positifs.

Il soupira et son regard pensif fixa un long moment le visage d'Ambroise. Deux gamines cueillies dans la fleur de l'âge. Il fût un temps ou cela l'aurait laissé indifférent ou pire, l'aurait enchanté. Cette perspective de la beauté immortalisée dans l'éclat de sa jeunesse. C'était ce qui l'avait longtemps grisé lorsqu'il contemplait ses maîtresses immortelles. Elles ne subiraient jamais les outrages du temps. Il pouvait les conserver, telles des œuvres d'art vivantes. Mais c'était bien avant que l'esthète en quête de beauté ne prenne conscience que derrière ces magnifiques manifestation de la beauté, vibraient autrefois un cœur et une âme qui avaient été souillés, corrompus, plongés dans les ténèbres. Le prix de l'éternelle beauté lui paraissait à présent bien lourd et amer. Même s'il se connaissait trop pour savoir qu'il retomberait un jour dans ses excès et dans sa quête incessante de la perfection, il aurait à vivre avec l'image immuable de Zélie cueillie à l'aube de sa vie, fixée dans toute la grâce de sa jeunesse et la pensée qu'il en était le Sire. Il se prit à espérer que les deux jeunes filles trouvent l'une en l'autre le moyen de repousser l'insondable solitude qui s'abat sur les Immortels. Il est très rare qu'un vampire ait des amis, encore plus lorsqu'il assume un rang haut placé, et encore davantage lorsqu'il avance en âge. Peut-être qu'elles auraient la chance de porter leur fardeau dans la complicité. Ses sombres pensées furent interrompues par le bruit d'un feuillet qu'on déchire et il leva un sourcil étonné en voyant Ambroise rédiger un petit avenant au contrat. Ahh les femmes... Il fallait toujours qu'elles aient le dernier mot, songea-t-il un brin amusé. Mais l’atterrissage ne lui laissa pas le loisir de lire immédiatement le petit bout de papier plié qu'elle avait fait glisser sur la table à son intention. Sitôt l'avion immobilisé, sa nouvelle recrue se leva et se précipita vers la porte que Sean avait pris soin de faire basculer afin de libérer l'accès à la passerelle. Il se saisit du contrat et vérifia qu'elle l'avait signé, ajouta sa propre signature et déplia avec curiosité le papier pur prendre connaissance de la clause supplémentaire. Le contenu lui tira un sourire et il apposa son nom au bas de la feuille. Rassemblant ses affaires, il les glissa dans une serviette et suivit le même chemin que la jeune femme. Il la rejoignit en bas de la passerelle où il remit la serviette à Sean après avoir remercié le commandant Wilson.

- Prenez quelques jours de repos, Commandant. Vous les avez bien mérités. Sean, vous nous rejoindrez au château avec la Bentley. Veilliez à faire des photocopies du contrat pour Mademoiselle Duquesne et préparez nous des vêtements. J'ai envie de survoler le Domaine, cela fait longtemps que je ne l'ai pas fait.

Puis il se tourna vers Ambroise et lui adressa un sourire de défi.

- J'ai remarqué que tu supportes mal la lumière du soleil mais as-tu déjà volé de jour ? Me fais-tu confiance si je te dis que sous notre forme animale, nous sommes invulnérables aux rayons solaires ? Tu peux aussi choisir de voyager en voiture avec Sean mais tu te priveras d'un spectacle peu commun, le survol des gorges de la Cesse, du pont de Minerve et de la forteresse où tu vas désormais habiter.



HRP :
Spoiler:

Revenir en haut Aller en bas
AuteurMessage
Contenu sponsorisé
MessageSujet: Re: {achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues {achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues - Page 1 Empty
Revenir en haut Aller en bas

{achevé} L'alcool aidant, on peut faire des rencontres incongrues

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut
Page 1 sur 1

Sujets similaires

-
» {achevé} A la recherche du passé
» {Achevé} L'ombre du Destin
» {achevé}Un trio imprévu
» (Achevé) Tant qu'il y aura des livres.
» {Achevé} Des cavaliers au Palais Bourbon

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
 ::  :: Les Catacombes :: Les récits oubliés-